Préambule (ajout du 9 avril) : Lecteur bien aimé, je t'enjoins de signer la pétition suivante :(http://www.apesmanifesto.org/). Il s'agit d'un manifeste pour la protection des ultimes grands singes vivant en liberté.
Quand j'étais enfant, le classement officiel des hommes et des grands singes recouvrait deux familles qui semblaient parfaitement logiques : les hominidés d'un côté, et les pongidés de l'autre, incluant orang-outang, gorille, chimpanzé et parfois le gibbon.
Exit les gibbons (désormais hylobatidés), ne resterait plus que l'orang-outang, davantage apparenté aux grands singes européens et asiatiques du Miocène (oréopithèque, sivapithèque, ouranopithèque) pour représenter les pongidés. Cela toutefois n'interdit pas la représentation populaire de persister, avec une famille des pongidés continuant d'inclure le gorille et le chimpanzé, comme c'est le cas dans certains chapitres de Les Origines de l'Humanité (Y. Coppens et P. Picq) parue chez Fayard en 2002 (2 vols). D'autres chapitres en revanche soutiennent non sans raison qu'il faut classer dans la famille hominidés non seulement nos ancêtres directs indirects (australopithèques et paranthropes), mais aussi les chimpanzés et les gorilles. Les profondes similitudes existant entre australopithèques et chimpanzés (Pan paniscus et P. troglodytes) en termes d'organisation sociale et de comportement alimentaire trahissent ce que l'on savait déjà depuis les années 1990 : les ADN de l'homme et des chimpanzés sont plus proches que ceux des chimpanzés et des gorilles.
Prenant acte de ce fait, nombre d'auteurs suggèrent de créer au sein de la famille hominidés deux sous-familles, celle des gorillinés (gorilles) et celle des homininés (homme et chimpanzés). En toute logique, Jared Diamond suggérait dès 1992 (The Third Chimpanzee) de rebaptiser en conséquence le chimpanzé et le bonobo : Homo troglodytes et Homo paniscus, car le nom de genre le plus ancien doit prévaloir.
Patatras : lisant aujourd'hui Evolving Eden, an illustrated guide to the evolution of the African large-mammal fauna (A. Turner & M. Anton), publié en 2004, je vois à nouveau chimpanzés et gorilles classés dans le même genre gorillinae, l'homme seul se trouvant dans le genre homininae. D'ailleurs, les auteurs classent les australopithèques et les paranthropes dans un genre différent, les australipithécinés.
J'imagine les débats scientifiques et idéologiques qui entraînent l'adoption de telle ou telle position. Même en cladistique, il y a la possibilité, au moment de la divergence homme/chimpanzé, de placer l'un ou l'autre au plus proche du gorille (Diamond par exemple propose un diagramme où les noeuds successif font apparaître la divergence gorille/ homme + chimpanzé, puis la divergence homme / chimpanzé + bonobo, ce qui entraîne visuellement l'adhésion à son argument d'une famille incluant ces trois dernières espèces. Eût-il proposé l'inverse (c'est à dire le noeud "chimpanzé" avant de placer l'homme en haut du buisson), l'autre solution serait apparue tout aussi logique. Ce n'est pas clair ? Voyons l'illustration ci-dessous :
Pour ma part, j'aurais tendance à accepter l'idée de placer homme et chimpanzés dans la même sous-famille, et de rebaptiser ces derniers Homo troglodytes et H. paniscus, ce qui aurait l'avantage de faire taire l'irritante question "sommes-nous seuls dans l'univers ?"
Suggestion lue récemment : Australopithèques, et ancêtres des chimpanzés et gorilles auraient tous connu une préadaptation à la bipédie (due à un mode de vie arboricole), la marche sur les phalanges (knuckle walking) des chimpanzés et gorilles actuels n'étant qu'une adaptation ultérieure aux déplacements en forêt. J'ai oublié où je l'ai lu (probablement chez Frans de Waal) mais cette idée permet de comprendre plus aisément que les humains primitifs ne ressemblaient pas à des chimpanzés, car il y a vraisemblablement la même distance entre homme et australopithèque qu'entre chimpanzé actuel et chimpanzé primitif. En clair, les grands singes ont évolué tout autant que nous l'avons fait, et ils ne représentent pas un "état antérieur" de l'humanité.
PS (ajout du 9 avril) je constate avec ravissement que l'auteure du blog "six pieds sous terre", Laure Noualhat (lien ci-contre) et moi-même avons l'esprit branché sur les mêmes sujets de manière parallèle. Le 04/04, elle parlait des grands singes (http://environnement.blogs.liberation.fr/noualhat/2008/04/manisfeste-pour.html) et le 08/04 de la surconsommation de viande. Incroyable ! Je me demande si vous êtes mariée, Laure ?
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