On ne peut m'accuser d'avoir une âme d'enfant. Pourtant quelque chose s'est brisé en moi à la lecture du Monde aujourd'hui. "L'Allemagne humilie la Grèce", l'Allemagne a eu la peau de Tsipras, et pas que l'Allemagne d'ailleurs.
Ce qui s'est brisé en moi, c'est l'idée que l'Europe, la construction européenne, était un projet historique, c'est-à-dire ancré dans le temps long de l'Histoire.
Dans cette perspective, on aurait pu comprendre l'acharnement de Monsieur Schäuble s'il s'était agi de faire payer aux Grecs l'humiliation du Traité de Versailles, ou plus récemment, la fameuse invasion de l'Allemagne par la Grèce, où les Grecs orchestrèrent une famine ayant tué plus de 10% de la population, imposèrent des frais d'occupation exorbitant, et firent régner la terreur en exécutant, pour un Grec tué, cent otages allemands.
Mais non, ce ne sont pas ces considérations historiques qui ont motivé l'Allemagne, pas plus que la Finlande, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie, la Hollande ou la Belgique.
Ce qui a motivé cet acharnement, c'est une logique comptable, financière, à court terme, sous les vivats de pays qui viennent d'entrer dans l'Union, qui ne partagent pas sa profondeur historique ni sa mémoire.
Les Grecs se sont vus opposer, à leurs négociateurs, des employés de banque, ceux-là qui risquent des milliards sur les marchés mais refusent de financer un plombier, et font payer des agios à leurs clients les plus pauvres. Jamais on n'avait vu la doctrine néo-libérale se montrer si mesquine, si étroite, et si misérable finalement, prête à menacer la solidarité européenne pour pouvoir, enfin, privatiser le port du Pirée.
Les Schäuble, les Dijsselbloem, tous ceux qui ont brisé la Grèce entreront dans l'Histoire comme ceux qui auront brisé autre chose, le peu de confiance qu'il nous restait. Leur mépris de la démocratie, dénonçant le référendum grec mais conditionnant toute aide au vote de leurs propres Parlements, la manière dont ces puissants ont transformé en pantins, au nom de l'intérêt supérieur de l'Argent, les députés européens, l'opinion publique européenne, les citoyens grecs, ne sera pas pardonnée.
Syriza fera des petits, je l'espère, partout en Europe, et partout, je l'espère, des idées plus généreuses reprendront enfin le pouvoir.
Tous ceux qui ont brisé la Grèce resteront célèbres comme Erostrate...
Rédigé par : Calopedie | jeudi 05 nov 2015 à 15:58