Je n'ai jamais cherché à dissimuler que j'étais un ancien mangeur de fromage. Le fromage risquait de me mener fort loin sur la voie de la déchéance et de l'oubli de soi. Le fromage allait faire de moi un débauché.
J'ai commencé à fréquenter les Mangeurs de fromage Anonymes il y a un mois déjà. Toute la misère humaine se retrouve au parvis de ces sombres églises. La trogne enluminée, striée de veines vertes et grises ; la sclérotique soufrée, injectée d'emmenthal ; le pas traînant de qui ne digère pas la raclette, ni la tomme ; le regard transi de ces hommes ayant renoncé à la Vache qui rit. Spectacle désolant à faire fondre un coeur de fromage.
Dans tous les oratoires, au pied de chaque saint, au pied des bons apôtres trônant dans leurs abris de pierre ou de bois décoré, se cachent des tapettes appâtées de gruyère. Pauvres souris d'autel qui errons de confessionnal en chapelle, cherchant le salut et non le Port-Salut. De loin en loin on entend des clics-clics-clics et des cris étouffés.
Pas de fraternité ici : nos histoires sont inégales, l'argent que nous coûta ce vice également. Quel Dieu tonnant nous plongea dans la fange puis nous guida jusqu'ici ? Nos destins ne se sont pas croisés, nous n'avons pas rompu le pain ensemble et nos regards se fuient. Certains baillent, des filaments blanchâtres lient encore leurs mâchoires - réminiscence de pizza tre formaggi ? On les dénonce, on les houspille, on les bat jusque dans la sacristie. On les chasse parfois à coup de "qui a mangé du fromage mangera du fromage" - la formule est jolie, mais gagnerait à être plus concise.
On parle d'interdire ces réunions cruelles qui ne servent à rien. Je ne sais que penser. Renoncer au fromage, c'est renoncer à beaucoup de choses (en particulier aux fromages). Ces hommes malades du fromage ne peuvent user du fromage en guise de remède homéopathique. Contre ce penchant égocide n'existent ni simples ni vaccins ni succédanées. J'en veux un peu à ces rudes fromagers, à ces robustes crémières qui hantent nos marchés. Mais je crois que je délire. Une page est tournée, j'envisage sereinement une vie sans fromage.
Renoncer aux fromages!
Impensable: Fromages et pinards sont les piliers du moral des expats.
D'ailleurs hier soir on s'est fait une soirée beaujo/brie... arg ça fait du bien
Rédigé par : mouton | dimanche 23 nov 2008 à 15:20
Je préfère souffrir qu'arrêter! Le fromage en particulier! Je suis alergique à la plupart des fruits, mais j'en mange quand'même (en faisant attention de ne pas aller trop loin) parce qu'une vie sans fruit c'est pas une vie! Si un jour je devenais intolérante au lactose, je ferais la même chose! Comme le dit mouton, le fromage est le pilier de mon moral ;)
Rédigé par : Dr. CaSo | dimanche 23 nov 2008 à 15:43
@ Dr CaSo & Mouton : hélas, mes amis, je crois que vous êtes tous deux victimes de la Police du Fromage et de sa propagande qui a déjà fait tant de victimes. Le fromage est dangereux, c'est prouvé, et je compte sur l'Insolente Veggie pour me fournir les dix liens qui iraient dans mon sens. Vous connaissez la sagesse populaire. Eh bien, selon vous, par quel mot peut-on remplacer "fromage" dans l'expression "ne pas en faire un fromage"? Ha ! (je veux dire, à part "ne pas en faire un plat")
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 23 nov 2008 à 16:08