J'oubliais: malgré mon cilice, je me suis promené hier au Muséum, de bureau en bureau, pour exposer mon projet sur la biodiversité.
Evidemment les écologues m'ont repris sur telle et telle chose: une biodiversité "restaurée" implique des aménagements lourds, il vaut donc mieux parler de biodiversité "réhabilitée" s'il s'agit seulement de laisser quelques ronces au fond du jardin.
Puis l'éternel débat: si la nature est à tous et à chacun, il est normal que toute décision concernant l'aménagement d'espaces naturels fasse l'objet de vastes débats. "On ne peut imposer aux gens de vivre avec une nature dont ils ne veulent pas". La posture habituelle des gens comme moi est de baisser la tête d'un air contrit en marmonnant : "Ah ben oui, c'est vrai, on peut pas leur imposer ça".
Mais hier j'ai réagi différemment: "Si on peut contraindre les gens à vivre près d'une centrale nucléaire ou au bord d'une autoroute, j'ai du mal à croire qu'il faille des procédures différentes pour aménager un malheureux corridor boisé."
C'est le deux poids deux mesures de tout ce qui concerne la nature. Quand on veut la défendre, il faut toujours s'excuser, s'essuyer deux fois les pieds sur le paillasson. Comme si c'était la dernière plage de pouvoir accordée au citoyen lambda: casser des branches, arracher des plants, tuer un blaireau, empoisonner des renards. Il faut à tout prix leur laisser ce défouloir! (Sinon, comme à New York, on les verra se rabattre sur les SDF?)
Je lis un bouquin sur les parcs nationaux dont je ferai le compte rendu. A chaque fois que le mot nature est employé, ou le mot naturel, il est écrit entre guillemets: "les espaces de protection de la "nature" sont, par essence..." "l'homme contribue à la biodiversité" - "le maintien de la biodiversité est assuré par les populations locales depuis des siècles..." A le lire, on se demande où est le problème. Il est absurde de protéger une biodiversité si bien maintenue par les populations locales, quelles qu'elles soient!
Du coup, on se demande quel est l'intérêt de publier un tel ouvrage, s'il souligne la vanité de toute politique de protection, non à cause de l'avidité de nos semblables, mais au contraire du fait du rôle crucial de l'homme dans le maintien et dans la variété du monde "naturel" (pardonnez ma grossièreté).
Je suis désolée de réapparaître avec mes commentaires simplistes mais en écrivant ça me permet clarifier mes pensées. Donc, toutes mes excuses à l’anthropoloque que vous êtes mais j’aime la façon dont vous abordez le rapport homme / nature et les questions que vous faites surgir. Je ne suis pas aussi pessimiste que vous. Un simple coucher de soleil me fait oublier l'arrogance humaine.
Je me suis toujours demandé pourquoi certaines mesures de protection de l’environnement étaient efficaces et d’autres ne l’étaient pas.
La question que je me pose est la suivante. Il y a en gros trois façons d’intervenir pour protéger l’environnement: on peut légiférer, accorder des subventions et éduquer. Doit-on utiliser les trois ou un seul type d’intervention est-il préférable ? Le choix dépendra sans doute des sociétés dans lesquelles on intervient. Une loi sera peut-être suffisante en Allemagne mais pas du tout au Brésil. Les subventions sont toujours très attractives mais elles sont ponctuelles et peuvent être détournées dans des pays où la corruption est très présente. Reste l’éducation, encore faut-il permettre la survie des populations avant de parler d’éducation.
Il faut donc adapter la mesure au public visé ? Cependant, il me semble qu’il y a une condition nécessaire, peu importe le public touché. C’est la prise de conscience de notre interdépendance (dont je vous parlais dans le premier commentaire que je vous ai laissé).
On peut imposer des règles strictes interdisant la pêche de tel poisson, on peut payer les agriculteurs pour qu’ils plantent des oliviers, on peut faire de grandes campagnes publiciatires pour l’utilisation des transports en commun, s’il n’y a pas une prise de conscience réelle de l’enjeu, la mesure n’aura pas d’effets durables.
Je pense que c’est pour cette raison que le Gange est en train de mourir en Inde et que les haies de chênes sont en train de renaître en Bretagne.
Combien d’années les agriculteurs bretons ont-ils mis avant de comprendre l’importance des haies ? Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les Indiens considèrent leur fleuve sacré impur et décident de réagir?
Humm, je ne suis pas très satisfaite de ma conclusion. Je sens le pessimisme m’envahir.
Heureusement, le coucher de soleil s’annonce.
Rédigé par : Guga | mardi 08 sep 2009 à 19:55
Bonsoir Guga.
De mon côté, j'aime bien vos commentaires.
Je vais vous rendre plus pessimiste encore: je crois qu'un infime pourcentage de l'humanité (disons 2%) est génétiquement programmé pour se soucier de la nature, et déplorer les atteintes qu'on lui porte. Cela a toujours existé, depuis Platon: la déploration de la dévastation, la dénonciation de l'âpreté au gain des hommes - cela, des auteurs antiques, médiévaux, dix-neuvièmistes, s'en sont fait les hérauts.
La proportion, je crois, doit être constante, entre ceux qui voudraient davantage d'harmonie, et ceux qui veulent vider la nature comme on vide un poulet ou un poisson.
Maintenant, si l'on considère ceux qui sont conscients et n'agissent pas, leur existence est plausible; il suffit de considérer les fumeurs, dont j'étais. Comment peut-on fumer quand on sait ce qui guette le fumeur? Et pourtant, on fume encore.
Il me semble donc que c'est la loi, ou plus précisément la peine encourue, qui va progressivement inculquer aux esprits la gravité du crime. Ce n'est que récemment (depuis une quinzaine d'années), que les crimes sexuels sont socialement réprouvés. Je serais curieux de voir si cela ne s'est pas produit en parallèle avec le durcissement de la législation...
J'attends vos lumières à ce sujet.
Rédigé par : anthropopotame | mardi 08 sep 2009 à 20:37
Le soleil s’est couché dans la brume ce soir…
2%!!! Alors, à quoi bon ...?! Je ne veux pas y croire! Vous pensez que cela a toujours existé c’est à dire qu’on a pas évolué depuis le néolitique? Ou est-ce que c’est à partir du néolithique justement que notre rapport avec la nature s’est modifié et que l’homme s’est transformé en possesseur.
Pour ce qui est des fumeurs, je pense qu’ils sont tous bien informés de nos jours et qu’ils connaissent les conséquences de leur acte. De la même façon nous savons tous que nous allons mourir mais qui en a réllement conscience? Combien de personnes se comportent comme des immortels. Il faut parfois passer par certaines "expériences" pour en avoir conscience. C’est ce que les boudistes appellent l’éveil, je crois.
Je connais tellement de gens qui me disent: “Ah, la pollution! On détruit la planète. Le réchauffement climatique, c’est terrible, etc.” Mais ces mêmes personnes continuent à emmener leurs enfants à l’école en voiture (à 200 mètres), à changer de portable tous les 6 mois,etc. Je pense que nous savons beaucoup de choses mais que nous continuons endormis.
Est-ce qu’une loi peut faire sortir de cet état d’hypnose? Où est-ce l’inverse, l’éveil qui pousse à légiférer. Vous parliez des crimes sexuels. Ils ont toujours existé. Ils sont de nos jours socialement réprouvés. Est-ce qu’ils ne l’ont pas toujours été? Ils pouvaient être tabous mais les religions les condamnaient. Aujourd’hui, en Occident, les medias ont pris le relai mais je ne pense pas que ce soit une conséquence du durcissement de la loi.
Au Portugal, l’avortement était illégal mais il était de plus en plus pratiqué pour diverses raisons, entre autres l’évolution des mentalités. Ce n’est que par la suite (en 2007 je crois) que la loi a été modifiée à la suite d’un référendum. Il serait intéressant d'analyser l'évolution du nombre d'avortements depuis la modification de la loi.
Autre question qui va un peu dans le même sens. Je fais partie de l’Association des parents d’élèves de l’école de fils. Cette année le règlement interne de l’école a été reformulé et un des points polémique concerne l’interdiction des téléphones portables à l’école. Doit-on interdire le téléphone portable à l’école ou doit-on “éduquer” élèves et professeurs pour arriver à une utilisation raisonnable de ce “moyen technologique” omniprésent?
Quelle attitude nous permettra d'obtenir de meilleurs résultats?
Rédigé par : Guga | mardi 08 sep 2009 à 23:24
Il me semble que tout est question de perception temporelle. Il y a un bon livre de Dessalles (Les origines du langage, 2000) qui traite de la notion d'urgence ou de gravité en fonction de la distance (un accident de voiture dans ma rue m'affecte plus qu'un immeuble effondré à 6000 km), et l'on pourrait élargir cela à la proximité temporelle d'une catastrophe. Il va de soi qu'une tumeur au poumon est un bon indice qu'il est temps d'arrêter de fumer. En ce qui concerne l'environnement, les politiques sont affectées du fait d'un double sentiment d'éloignement (la montée des océans est annoncée pour 2100; l'Amazonie, c'est de l'autre côté de la Terre). La perception immédiate est entravée par les variations saisonnières du climat et par la difficulté que l'on a à percevoir les évolutions de la faune, la pollution des rivières, l'état des sols, etc.
Plutôt que de monter de vastes programmes pédagogiques, mieux vaudrait renforcer le corpus législatif, et quand il existe, l'appliquer effectivement. Je serais curieux de voir combien d'incendie il y aura en Corse l'année prochaine, sachant que cet été, pour la première fois, il y a eu des arrestations et des comparutions immédiates.
Une question: Guga, c'est un surnom masculin. Pourquoi avoir choisi celui-là?
Rédigé par : anthropopotame | mercredi 09 sep 2009 à 09:38
Il y a quelque chose qui me dérange dans ces solutions policières et répressives. Elles sont certainement nécessaires dans des situations extrêmes et où il faut agir rapidement comme les incendies mais pour mettre en place des mesures de protection de l'environnement durables je pense qu'il doit y avoir un travail pédagogique en parallèle. On peut rendre un acte illégal mais pour obtenir de meilleurs résultats je pense qu'il faut plutôt le rendre immoral(j'ai testé ça sur mes enfants et je suis plutôt satisfaite du résultat!).
Em relação ao meu nome Guga, é a minha alcunha em casa. Tenho uma outra mais feminina: Gordinha!
Prefiro Guga! Nem me tihna passado pela cabeça que os meus filhos e o meu marido me tinham arranjado uma alcunha masculina...Ça doit être mon côté garçon manqué.
Rédigé par : Guga | jeudi 10 sep 2009 à 14:57