Votre serviteur n'a pas la pêche.
Rentré depuis quatre jours, je dors.
Techniquement, je devrais être en train:
1) de préparer la rentrée à Neverland;
2) de préparer mes séminaires à Rio (Liz a chamboulé mon programme et je ne vois plus du tout où je voulais en venir);
3) de transcrire les entretiens de Mamiraua, et de rédiger une synthèse;
4) de terminer le projet biodiversité;
5) de préparer une version publiable de mon HDR
et j'en passe. Et moi, pendant ce temps, tel le cantonnier, je dors.
J'ai lu rapidement un ouvrage de François Terrasson, la Peur de la Nature, qui décrit les causes inconscientes de notre emprise et notre désir d'aménager la nature. Cela m'a fait songer, bien sûr, à mon rapport avec l'Amazonie, après une dizaine de séjours là-bas. Il se trouve que durant ce voyage, j'ai été particulièrement sourd à toute sensation, émotion, impressions diverses que je ressens quand je voyage seul.
Quand je suis seul j'entre souvent dans une forme d'état dépressif qui me rend sensible à ce qui m'entoure. En groupe, je suis davantage soucieux de faire un bon mot ou d'éviter le ridicule. Je suis porté à rire - ce qui fait de moi un bon compagnon de voyage, accommodant, peu grognon.
A force de rendre visite à ce que l'on appelle des "populations traditionnelles", j'ai tout de même développé un travers: celui de vouloir sauter les préambules et aller droit au but. Donc m'épargner les "je ne chasse que pour manger; je pêche mais juste un peu; la nature doit être préservée", pour entrer directement dans le sujet, à savoir: les liens maintenus par ces petits pêcheurs avec les grands entrepôts frigorifiques de Manaus et de Tabatinga, le rôle que joue l'argent de la drogue dans l'exportation massive de poissons vers la Colombie, la question du massacre des dauphins d'eau douce servant d'appât pour la pêche à la piracatinga (Callophysus macropterus), mais aussi les attentes des habitants vis-à-vis de l'Institut en charge de gérer la réserve, l'explication à retirer de leurs plaintes incessantes au sujet de leur "abandon" par l'organe tutélaire.
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