J'ai de plus en plus de mal à supporter la rhétorique tiers-mondiste de pays comme l'Inde (voir cet article du Monde d'aujourd'hui), alors même que le Brésil et la Chine commencent à comprendre que les dérèglements climatiques atteindront faiblement les pays développés (expression qui ne veut plus dire grand chose), et qu'ils sont donc bel et bien les premiers concernés.
On évoque en ces termes la "responsabilité historique" de ces mêmes pays occidentaux:
Pour l'Inde, les pays riches sont historiquement responsables du réchauffement climatique et doivent financer les efforts des pays en développement. Avec 1,2 milliard d'habitants, l'Inde est le seul des principaux pays pollueurs de la planète à ne pas avoir encore donné d'objectifs de réduction chiffrée.
A Pékin, M. Ramesh a insisté sur le caractère "volontaire", "unilatéral" et "non contraignant" des engagements que prennent en ce moment les pays en voie de développement. En début de semaine, il avait même déclaré devant le Parlement que le refus de tout engagement contraignant à la baisse des émissions en termes absolus était "inscrit dans le roc". New Delhi affirme continuer à se battre pour que soit préservé l'esprit du sommet de Rio en 1992 puis du protocole de Kyoto en 1997, à savoir que les pays industrialisés doivent prendre les devants dans les réductions d'émissions et les transferts de technologies.
Cette manière de botter en touche dissimule avant toute chose la volonté des dirigeants indiens d'occulter leur propre responsabilité d'Hommes d'Etats face à un problème planétaire. L'exigence de "transferts de technologies", alors que l'Inde est un pays en pointe dans l'informatique et les services, consiste à se draper dans la misère d'une population d'exclue qui n'a ceci de particulier qu'elle est simplement plus nombreuses que dans les pays occidentaux - mais quant à l'expérience de la misère, elle demeure individuelle.
Par ailleurs, la focalisation des esprits sur la question des empreintes individuelles (popularisée par l'indice IEF indivual ecological footprint) omet de considérer qu'une famille pauvre comptant dix enfants émet tout autant qu'une famille riche n'en comptant qu'un seul. De même, un pays d'un milliard 400 millions d'habitants a un tout autre impact qu'un pays en comptant 300 millions.
Certes, la réponse des pays occidentaux s'apparente au don de sucres d'orge : la proposition de Sarkozy de consacrer 6.6 milliards d'euros par an, tous pays donateurs confondus, doit être mis en perspective avec la ristourne aux restaurateurs français, évaluée à 2.2 milliards d'euros en 2009.
Mais on peut s'amuser du retournement de situation, en un siècle, des rapports Nord/Sud, du moins dans la dialectique des débats internationaux. En 1912, tandis que sombrait le Titanic, les première classe affrontaient la mort dans un salon, au son de l'orchestre, tandis que les 2e, 3e et 4e classe voyaient les accès bloqués et moururent noyés dans des couloirs, face à des grilles de fer.
Aujourd'hui, un tel naufrage présenterait un aspect différent: les première classe, accusées d'être responsables de la conception du navire, seraient sommées de se rendre dans les cales afin d'écoper les tonnes d'eau s'y déversant, cependant que les 2e, 3e et 4e classe respireraient une ultime fois l'air du large, attendant la mort avec le doux sentiment d'avoir vengé un affront.
Voir également, à propos de la Chine, cette chronique de Hervé Kempf
Et sur le même sujet, dans Anthropopotame:
Position de Eduardo Viveiros de Castro
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