21 mai (vendredi)
Arrivé 7h15. Personne à la ferme, je parcours les étables et je vois un veau né de la nuit, mouillé, tremblant, veau de charolaise bien grand.
Je vais directement au champ : à nouveau intervertis. Elles sont éparpillées. J’entre directement et sans bâton, Basilic pousse des Mhhhooonnnh très graves à intervalles répétés, plutôt menaçant. J’approche, et il se met à gratter la terre. On dirait qu’elles sont surprises par mon irruption trop rapide. Je me retire en bordure de champ. Madalena et Laura viennent me voir, passent, repassent. Puis c’est Marcia qui vient d’un pas décidé, je lève la main pour diminuer son élan.
A peine suis-je arrivé que Basilic a pris position près des mangeoires, comme s’il cherchait à les défendre. La vieille Sonia au cornes rabattues le rejoint, écartant toutes les autres sur son passage.
A 7h35, pause méditative, têtes levées, elles ont disposées en arc autour des mangeoires.
Je crois que j’aurais dû attendre qu’elles me reconnaissent avant d’entrer dans le champ. Mon arrivée les a surprises alors qu’elles n’avaient pas eu le temps de se regrouper pour me regarder venir. Et ça fait plus de 15 jours qu’elles ne m’ont pas vu.
Sonia garde la mangeoire assez vivement. Elle a sept ou huit ans, les plus jeunes ont à peine trois ans. Elle m’avait pourtant semblé placide…
Le soleil peine à réchauffer et j’ai un coup de pompe effroyable.
A 7h45, Madalena et Laura reviennent me voir. Madalena d’un
pas très décidé se place face à moi, baisse la tête et pousse le sac à dos qui
est entre mes jambes. Elles ont franchi dix mètres d’une traite et je les avais
senties venir… Madalena s’est imposée très vite, n’a pas eu peur, m’a poussé,
renifle mon cahier. Je ne sais si elle est vraiment hostile mais je ne suis pas
très à l’aise. Ma mère appelle à ce moment pour me dire comme le jardin est
beau. Finalement Madalena s’en va rejoindre Maria. A présent c’est Laura qui
rumine à
Il faut dire qu’elles sont toutes pleines, vont accoucher dans un mois ou deux.
Mon arrivée les a troublées et elles se sont toutes mises à ruminer.
A 8h05, elles forment deux groupes et parcourent cent mètres d’un pas rapide jusqu’à l’extrémité est du champ. Seule Sonia n’est pas dans le groupe, se tenant au coin nord-est. Le champ est couvert de boutons d’or.
8h15 : Bon, elles repartent dans l’autre sens à présent. Sans doute veulent-elles brouter en ligne en évitant d’avoir le soleil dans les yeux ? Elles marchent vite, se regroupent au milieu du champ. On entend à vingt mètres leur scroutch scroutch quand elles arrachent l’herbe en passant.
8h20 : elles sont déployées en éventail et occupent le milieu du champ.
8h30 : tiens tiens Marta n’est pas la dernière de la hiérarchie, elle s’est approchée d’une autre comme pendue à des ressorts, l’a intimidée et l’autre lui a léché le cou. Basilic quant à lui broute une vache contre chaque flanc. Sonia s’est recouchée.
Séance de léchage très intenses (photos) entre Eva et Maria. Eva procède méthodiquement et Maria tend son cou dans le sens qui convient. J’avais déjà repéré qu’Eva était très bonne pâte. Cela dure dix bonnes minutes
A 8h45, Lucinda vient droit sur moi après avoir donné un coup de corne à Sarah. Encore une fois Madalena et Laura sont couchées ensemble.
Je suis à présent debout au milieu d’elles, et Marta vient me voir avec son air sournois. Mini corrida statique. Je tiens mon cahier entre elle et moi, je recule d’un pas quand elle avance d’un pas en remuant la tête et les oreilles, jusqu’à ce qu’elle se détourner et se remette à brouter. Elle m’a suivi ainsi sur quelques mètres, maintenant ça a l’air d’aller, je ne suis plus sur son chemin.
Sarah donne coup de corne à Madalena, la forçant à se lever (j’ai souvent observé que quand l’une s’était pris un coup n’avait rien de plus pressé que de le rendre à une autre). Madalena étant en bas de hiérarchie, je ne suis pas surpris qu’elle m’ait fait des misères ce matin.
9h : Une bonne partie s’est recouchée à présent.
Petit groupe s’est formé au sud : Lucinda debout, et cinq autres couchées : Carla, Yasmina, Alexandra, Luisa (la très vieille, très confortablement installée), et Cristina. Alexandra arbore un air d’inquiétude très perceptible quand j’approche pour m’asseoir au milieu d’elles, et se détend aussitôt. Je dois revoir mes théories sur l’expression faciale…
Je suis passé entre elles et elles n’ont pas bougé. Seule Cristina s’est levée après mon passage. Je m’assois à deux mètres de Luisa et Cristina et celle-ci est venue me renifler. J’ai confiance en elle mais je ne sais si je devrais… Ouf, elle est passée sans accroc. Elle pousse un soupir long comme un ronflement.
9h20 : Les deux groupes, nord et sud, sont couchés. Certaines sont entièrement détendues, tête posée dans la continuité du corps sur la prairie. Leur grossesse les entrave beaucoup, c’est toute une affaire de se coucher et de se relever. Allongées sur le flanc leur ventre fait une bosse (photos).
9h25 : petite sieste, et moi aussi j’ai un gros coup de barre. Luisa pousse des soupirs caverneux, on dirait qu’elle se demande si se lever ou non. A son âge cette décision ne se prend pas à la légère.
Résumons : six vaches au sud, dix au nord + Basilic.
10h05 : je suis passé à la ferme donner les photos à Jean, Cyril et Jérôme. Il y a quelques photos de vaches brésiliennes aussi avec leur fazendeiro. Ca leur a bien plu, Jean a tout de suite observé que c’était sec, donc moins de vaches à l’hectare. A voir la jolie photo de Marta ont dit : « Oh celle là à la voir comme ça on dirait pas qu’elle est méchante : » « Elle a l’air très belle comme ça mais hé ! » Comme si la sournoiserie de la vache était inscrite dans son art de la pose.
10h15 retour au champ. Voir photos de Cristina : je dois revenir sur ce que j’ai dit sur l’expression faciale. On lit très bien l’inquiétude, la nonchalance. Il est 10h passées et je viens de manger mon quatre heures… Rien ne bouge.
A 10h35 un tracteur passe dans le lointain dont elles connaissent le ronronnement : elles redressent la tête puis se lèvent.
En gros, elles font leur première sieste trois heures après le lever du soleil. Luisa se relève et s’étire (film). Je l’apprécie beaucoup ; elle passe comme un navire : pas mesurés, ses sabots sur l’herbe font un bruit de gréement.
10h45, tout mon groupe du sud s’est levé et va rejoindre celui du nord, qui est encore couché. C’est le signal du broutage. Je me suis placé sur leur chemin, à l’est, dos contre la clôture. Elles se sont mises à brouter avec l’énergie du désespoir, suivant un passage déjà brouté, ce coup-ci du nord au sud.
Je suis allongé : Marta vient lécher énergiquement mes chaussures pleines de bouse, puis leur donne des coups de corne, pour la plus grande joie de mes lectrices ; je me relève et elle fait un bond de trois mètres. On dirait qu’elle a pris du galon : elle domine Madalena. Ce sont bien les plus basses dans la hiérarchie qui passent leurs nerfs sur moi.
A 11h20, Lucinda vient brouter à 40cm de moi. Ma cigarette n’a pas l’air de la déranger. Elle renifle ma casquette dans un bruit de tonnerre (vu sa distance à mon oreille) puis s’éloigne.
Cinq minutes plus tard, elles repartent toutes vers l’ouest. Je décide de partir.
Comme c’est étrange tout de même. Elles avaient l’air si heureuses de me voir le premier jour… Mais je fais souvent cet effet aux gens.
Ouf, Marta est encore vivante...
Mais on dirait bien que cela se confirme que l'éleveur l'a dans le nez !
Ses coups de corne, c'est juste des marques d'amitié, elle n'a que cela pour s'exprimer, avec ses coups de langue, cette petite bête !
Rédigé par : Hypathie | samedi 22 mai 2010 à 17:54
Huhu, Hypathie, je sais reconnaître un coup de corne amical quand j'en reçois un :)
Rédigé par : anthropopotame | samedi 22 mai 2010 à 18:08