Que la préfecture de police soit un lieu où règnent l'arbitraire et le déni de droit n'est pas un des moindres paradoxes de notre république.
Mon amie est étudiante, étrangère et à ce titre doit justifier de ressources, parmi lesquelles les emplois à mi-temps sont indiqués.
Voici le document indiquant les pièces à fournir:
La partie où il est demandé de justifier d'un travail:
Bien entendu, l'administration se réserve le droit de se moquer de vous en vous renvoyant à vos pénates, réduisant à néant tous vos efforts pour réunir les pièces, grâce à cette mention en fin de document, rédigée en petits caractères:
Et c'est ainsi que mon amie, qui doit demander dans la foulée un visa pour les Etats-Unis, s'est retrouvée avec un visa de tourisme, valable trois mois. Pourquoi? Parce qu'on lui a demandé de fournir, en plus, une "autorisation provisoire de travail" en un lieu dont l'adresse lui fut fournie sur un bout de papier déchiré, sans mentionner l'administration dont dépendaient ces autorisations:
On admirera l'informalité de ce bout de papier, et l'on apprécierait moins, sans doute, qu'une telle désinvolture soit appliquée à ses propres enfants.
Qu'est-ce qu'une autorisation provisoire de travail? C'est un document de quatre pages à remplir conjointement par vous et votre employeur, le délai d'obtention étant de deux mois. Voici l'en-tête du formulaire:
Evidemment, la fonctionnaire assurait à mon amie que cette pièce était nécessaire, et qu'on aurait déjà dû la lui demander auparavant. Derrière son hygiaphone en verre blindé, elle pouvait tranquillement croiser les bras et appeler le suivant.
Malheureusement cette fonctionnaire avait tort, mais personne n'aurait songé à demander, pour un étranger, un complément d'information qui aurait épargné à mon amie un nouveau rendez-vous dans trois mois, trop tard donc pour son séjour de recherche aux Etats-Unis.
La preuve? Elle figure dans la rubrique "Etrangers dispensés" selon le site officiel de l'administration française:
On peut également consulter ce témoignage hallucinant, indiqué par Hady Ba : http://becassine.owni.fr/2011/09/visite-guidee-dans-lenfer-des-prefectures-francaises/
Bonjour Anthropopotame,
Ca s'appelle des "pratiques de guichet".
Cela signifie qu'un fonctionnaire lambda, barricadé derrière son guichet, souvent blindé, va de son propre chef ou sur instruction de sa hiérarchie directe, ajouter à un texte réglementaire ou légal un condition qui n'y figure pas.
Dans les cas les plus extraordinaires, souvent en matière de droit des étrangers, on a même vu des administrations appliquer des lois qui n'existaient pas encore (pas encore voté) mais dont tout le monde parlait (on en connaissait intuitivement le contenu parce qu'on en parlait dans les médias).
Ca été le cas des fameuses loi Pasqua sur les étrangers: des préfectures ont commencé à bloquer des procédures de régularisation avant même le vote de ces lois, plus restrictives que les lois antérieures de leur époque.
Si la légalité des pratiques de guichet est douteuse, concrètement on n'y peut souvent pas grand chose, car on est tenu par des délais qui rendent illusoire le recours à la justice administrative, à moins d'opter pour des procédures rapides, mais qui exigent une certaine technicité nécessitant le concours d'un avocat spécialisé.
Cela étant dit, quand on choisit de se battre contre l'administration en retournant contre elle ses propres règles, souvent on gagne.
Rédigé par : tschok | jeudi 06 oct 2011 à 15:07
Merci, Tschok. Comme vous le dites, nous sommes tenus par des délais et les procédures automatisées interdisent de reprendre rendez-vous dans l'immédiat. Les deux téléphones indiqués sur le site (08.21.00.19.75 et 01.53.21.25.50)"en cas de problème" vous renvoient, l'un à un répondeur qui vous dit de vous rendre sur le site, l'autre à un message indéfiniment répété. Comme au Brésil, donc, les administrations sont tenues d'indiquer un numéro de téléphone de secours, mais ne prennent pas la peine de placer quelqu'un pour y répondre.
Au moins mon amie n'a-t-elle pas fait la queue une nuit entière.
Cela n'améliore guère notre fierté d'être français (je parle par euphémisme)...
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 06 oct 2011 à 17:04