Ce dimanche, j'ai décidé de préparer à manger pour la semaine.
Accessoirement, je veux également tester ma capacité à tenir avec des légumes d'hiver.
Ce matin, je suis allé au marché pour acheter pommes, pommes de terre, carottes, céleri, oignons, poireaux et chou vert. Il faisait doux, j'ai vu des visages connus, et puis ma mère qui achetait un colinot. Sur l'étal du poissonnier les crabes géants qui ont envahi la Baltique, à 100 euros le kilo.
A peine rentré, j'ai préparé une énorme bolognaise, et pour ce soir, des saucisses au chou. J'ai de quoi faire des potages pour la semaine, agrémentés de girofle, de cardamome et de muscade. Et deux dorades à cuire au four, demain.
Il se trouve que j'ai été soudain saisi d'effroi à l'idée de remanger des pizzas et des steaks hachés. J'ai envie de plats mitonnés, qui demandent une longue préparation, une intimité avec les ingrédients. Le couteau qui fait tschik tschak, les oignons qui font frrrrssccchhhh, et le bruit de l'aérateur, la buée sur les fenêtres et sur les feuilles d'orchidée.
Ainsi naît l'idée que l'on est en croisière, isolé de tout et tous. Ne manquent que le roulis et l'obscurité du dehors.
Je ne sais comment m'est venue l'idée, ce matin, que nous étions sept milliards. Et que c'était une chance, qui ne se présentera peut-être plus, d'éprouver l'illusion que rien ni personne ne vit autour. Et que l'illusion, en réalité, étaient ces gens-mêmes qui se pressaient aux étals, et dont je ne distinguais que les cols en poil de chien.
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