Vie de Clemenceau, par Jean-Baptiste Duroselle, Fayard, 2012.
Un peu déçu par l'absence de souffle épique. S'il défend des idées radicales - la Révolution Française comme référence, l'opposition à l'entreprise coloniale - il est aussi un homme de la 3e République, celle des petits épargnants et des rentiers. La biographie le présente comme un homme de caractère, préférant les principes aux détails, souvent brouillon.
Concernant ces principes: l'éducation bourgeoise au XIXe siècle voulait qu'on ait à peu près tout lu des Grecs et des Latins. On se trouvait ainsi naturellement imprégné d'un éthos d'un autre âge, valorisant le courage, la démocratie, la vertu militaire.
Pendant la Guerre, il assume le Ministère alors que tout semble perdu, à la fin de 1917. Il opère une purge à la tête de l'Armée, s'entoure de généraux (Foch et Pétain) qui ont le souci de la vie humaine.
Tandis que Foch improvise, rebondit, sait ranimer les courages, voici Pétain jugé par Clemenceau:
"Il n'a pas d'idées, il n'a pas de coeur, il est toujours sombre sur les événements, sévère sans rémission dans ses jugements sur ses camarades et sur ses subordonnés. Sa valeur militaire est loin d'être exceptionnelle, il a dans l'action une certaine timidité, un certain manque de cran. Mais il a su se pencher sur le sort de la troupe, il a compris la mentalité du soldat. Il a été loyal vis-à-vis de moi, il a été correct dans ses rapports avec les alliés. (...) Il n'aime guère les intrigues, et sait se faire obéir. (...) A d'autres l'imagination et la fougue, il est bien à sa place si au-dessus de lui se trouvent des hommes pour décider en cas grave." (p.615)
Ça pour le souffle, il ne faut pas lire Duroselle. En revanche pour la rigueur de l'analyse, on n'est pas déçu.
Son analyse de la décadence française de l'entre deux guerres est une des meilleures que j'ai lues.
Rédigé par : benjamin borghésio | vendredi 28 déc 2012 à 19:49