Mardi soir; c'est quand je rentre de Neverland.
Selon que tout s'est bien ou mal passé, je passe une soirée détendue ou sur les nerfs. Cette semaine tout s'est bien passé ou presque. J'ai fini mon travail en beauté, consacrant deux heures au budget de l'ERC Synergy Grant (il fallait parvenir à deux millions d'euros pour être crédible).
Sur le chemin de la gare, j'ai croisé une femme qui a compté pour moi, autrefois. Le temps de me demander si j'enlèverais mon bonnet, elle avait disparu. Puis c'est Michel que j'ai vu, l'air soucieux. Nous avons pris le train ensemble, il pestait contre un article qu'il devait évaluer, moi je corrigeais paisiblement mes copies de première année, écrivant "c'est bien" dans la marge chaque fois qu'un étudiant signalait que Mme Arnoux semble divine.
J'ai quatre jours pour boucler un programme ANR et l'ERC. Dans le même temps je ne suis capable que de produire une bouillie mentale pseudo-scientifique. Des collègues me posent des questions pointues - nous venons d'être acceptés à un gros colloque sur la question du foncier et du paysage - et je suis incapable de répondre autre chose que: "d'après mon expérience, lorsqu'on émerge d'une situation d'oppression, on fait tout sauter". Ce qui n'est pas totalement faux si l'on songe qu'après toutes les révolutions - et particulièrement en Afrique - les premiers à payer furent les animaux des zoos et des parcs nationaux.
A part cela, cher lecteur, que te dire? Que je vais relire l'Education Sentimentale, que je m'envole pour Buenos Aires lundi soir, que j'aurai 44 ans bientôt?
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