Abdomen ou ad hominem? C'est la question que je me pose lundi matin lorsque je découvre que mon flanc gauche est orné d'une gigantesque protubérance, comme de la graisse accumulée dans les poignées d'amour - mais d'un seul côté.
Je me précipite au dispensaire: Cristiane l'infirmière me palpe, me demande si je n'ai pas tout simplement grossi - mais le flanc droit est normal, lui. Elle appuie: je ne sens rien. Ce n'est pas une hernie, dit-elle. Si tu n'éprouves aucune douleur, je ne vois pas ce que c'est.
Je rentre au poste de la FUNAI, je pense à l'éléphantiasis: les bains dans la rivière asséchée créent des démangeaisons pénibles, les particules en suspension sont concentrées par l'étiage, les poissons sont parfois remplis de vers et ont un goût de vase prononcé en cette saison. Même le linge lavé dans cette eau-là finit par gratter. Journée d'angoisse et de déprime. Je transcris les entretiens et n'ai pas envie de parler.
Je me lève durant la nuit et laisse mon drap pendre hors de la moustiquaire. Quand je retourne me coucher, un papillon nocturne est entré dans mon hamac. Le lendemain matin, je suis réveillé par une sorte d'urticaire très douloureux qui me barre... la partie gauche de l'abdomen, là où l'insecte s'est manifestement promené. Je découvre ainsi la "papillonite", démangeaison provoquée par les écailles d'un papillon femelle.
La nuit suivante, lorsqu'il s'agit de me lever et de me recoucher, je prends mes précautions, au point que je me jette littéralement dans le hamac en me glissant sous la moustiquaire, si lestement que je passe par dessus, et je tombe... sur le flanc gauche.
Le lendemain, je file voir Leven. "Oh, mon Dieu, mais comme tu es enflé!" Mais plutôt que de discerner quelque sort que l'on m'aurait jeté, il me parle des douleurs qu'il éprouve lui-même aux reins. Il me propose de l'huile d'andiroba (Carapa guianensis), j'enduis mon abdomen et l'épisode est terminé.
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