Enième proposition du président de la République : faire du CNRS une agence de moyen pilotée par l'Etat. Comment faire passer cette proposition ? En dissociant les chercheurs du reste du corps social pour les livrer à la vindicte et au fameux bon sens du citoyen lambda, qui embraye illico :
(je cite les réactions des lecteurs du Monde du 4 mars 2008 à l'article "600 patrons de labo...")
Nicolas M.
04.03.08 | 13h44
Comme on me disait l'autre jour: "des chercheurs qui cherchent, on en trouve; des chercheurs qui trouvent, on en cherche". Si la recherche savait mieux se vendre et accordait plus d'importance aux retombées pratiques, on trouverait sûrement plus d'argent pour eux. Mais allez tenir ce discours dans un centre universitaire et vous vous ferez lyncher...
Ma réponse: Cher Nicolas M., avant d'aller vous faire lyncher dans un Centre Universitaire, commencez par lire les travaux qui en sont issus. Cela vous aidera à rédiger votre discours incendiaire. Pour cela, et concernant les sciences sociales, je vous renvoie aux sites www.revues.org ou www.hal-shs.fr ou encore www.ird.fr, vous pourrez y faire votre marché de connaissances.
GERARD B.
04.03.08 | 17h48
Je pense que nos chercheurs ne manquent pas d'air...toujours à faire la manche pour des résultats décevants. Les fonds publics ne sont pas infinis ! A l'heure où une part non négligeable de la population n'a pas de logement, voire manque de nourriture: où est l'urgence ? Nous n'avons pas besoin de chercheurs, mais de trouveurs. Que nos professeurs Nimbus redescendent sur terre !
Ma réponse : Les chercheurs = des professeurs Nimbus. On voit que M. B. a une bibliographie actualisée. Les fonds publics ne sont pas "infinis", mais s'agissant de "recherche publique", il ne s'agit pas de mendicité, mais d'investissement, au même titre qu'on investit dans l'éducation, la santé, les infrastructures.
Therry L. : Je suis envieux:quel beau métier que de pouvoir prendre son temps, ne pas avoir de compte à rendre,demander plus de moyens sans garantie de résultat et ne rien risquer pour sa place!
Ma réponse : Si ce métier existait, j'en serais très heureux. Malheureusement, ceux qui "prennent leur temps" et ne s'exposent à aucune évaluation n'ont généralement pas intérêt à demander "plus de moyens", car les moyens sont accordés en fonction des résultats, donc impliquent une évaluation.
Le meilleur pour la fin :
Thrasymaque1
04.03.08 | 21h34
A tous les chercheurs qui cherchent et qui sont persuadés d'être au sommet de l'excellence, je suggère de présenter le concours de l'agrégation. Cela remettrait les pendules à l'heure. Je sais que je suis démodé et ringard en disant cela mais je le dis quand même. Etre un bon chercheur c'est aussi, je pense, maîtriser les fondamentaux de sa discipline, être capable de clarté d'esprit, etc... J'ai vu tellement de chercheurs qui étaient incapables de sortir de leurs spécialité.Ce qui marche le mieux dans l'enseignement supérieur est la filière classes préparatoires-grandes écoles, laquelle repose précisément sur un enseignement assuré par des agrégés.
Après le professeur Nimbus, le chercheur "persuadé d'être au sommet de l'excellence". La tour d'Ivoire n'est pas loin. Etonnant que l'on demande au chercheur - d'après l'étude sociologique que nous propose Thrasymaque - de sortir de sa discipline. Demandez-vous, cher Thrasymaque, à votre caissière de supermarché de vous recommander des lectures ? Votez-vous selon les consignes de votre boucher ? Pourquoi voulez-vous qu'un chercheur, dans l'exercice de ses fonctions, "sorte de sa spécialité" ? Quel intérêt ? Vous suggérez que les chercheurs passent le concours de l'agrégation. Il se trouve que je l'ai passé. Et... ? Que doit-on en attendre ? La capacité de mettre en ordre le résultat d'un bachottage. La recherche consiste à produire du savoir, pas à en remâcher. Vous dites "ce qui marche le mieux dans l'enseignement supérieur est la filière classe-préparatoire grandes écoles". Il y a beaucoup à dire à ce sujet : cela marche mieux parce que ce sont des filières sélectives. Ce sont les élèves qui font la différence, pas les professeurs. Car l'enseignement en université, cher Thrasymaque, est également assuré par des agrégés. Normal : lisez Bourdieu, et vous verrez comment les agrégés ont infiltré l'Université dans les années 50 et se sont recrutés entre eux. Enfin, l'enseignement en lycée est assuré par qui, sinon par des agrégés ? Cela empêche-t-il l'accès d'illettrés à l'université ?
Concernant, enfin, la qualité de la recherche produite par les Grandes Ecoles, seule l'ENS figurait au classement de Shangaï. Je vous expliquerai un jour comment fonctionne l'ENS, cher Thrasymaque, et la recherche produite par les Normaliens, peut-être y verrez-vous plus clair alors.
Pour information qui ne figure pas dans ma biobibliographie : après 15 ans de carrière, je vis dans un studio de 25m² où je pantoufle à loisir. J'ai choisi ce mode de vie car il me fallait financer mes voyages de recherche au Brésil. Sur 15 voyages, 4 m'ont été intégralement ou partiellement remboursé. Pourquoi tant de voyages à ma charge ? Parce qu'une enquête anthropologique ne peut être soumise aux aléas des financements, elle doit être menée à terme en un temps donné, car nos interlocuteurs sont des humains et ont donc une espérance de vie inférieure aux délais d'obtention des garanties de financement.
Rédigé par : |