Voici une délectable nouvelle que publie le Monde :
Les producteurs français de porcs favorables à la réintroduction des farines de viandes et d'os
LE MONDE | 07.05.08 | 17h01 • Mis à jour le 07.05.08 | 17h01
(...) Guillaume Roué, vice-président de la Fédération nationale française des producteurs de porcs, estime qu'une utilisation partielle de certaines farines animales est aujourd'hui envisageable. Il s'agirait, selon lui, d'utiliser celles issues des porcs dans l'alimentation des volailles et inversement. Un tel système offrirait l'avantage de prévenir la forme de "cannibalisme" qui prévalait avant 2000 quand des herbivores étaient nourris avec des farines carnées. "Il faut bien reconnaître le fait que le cochon est un omnivore qui, ces dernières années, a été rendu végétarien", observe M. Roué qui s'offusque du fait que les principaux concurrents des producteurs français, les Américains et les Brésiliens, peuvent, eux, avoir recours aux farines animales et exporter leur production en Europe.
"MICROSOLUTION"
Les éleveurs de porcs français sont aujourd'hui confrontés à l'envolée des cours des céréales et du soja dont ils nourrissent leurs animaux et qui correspondent à 65 % de leurs coûts de production. Ils estiment que le recours aux farines animales permettrait une économie de 4 centimes le kilogramme de viande. Ce dernier se vend aujourd'hui 1,15 euro alors même que le coût de production est de 1,60 euro. "Dans un contexte de crise alimentaire, c'est une microsolution, mais il faut gérer au plus près les denrées et ne pas gaspiller de source d'énergie", explique M. Roué.
Les producteurs souhaitent aussi que la France lève l'interdiction d'avoir recours aux graisses végétales, autorisées ailleurs dans l'Union européenne, sauf en Allemagne. (...)
"Le cochon est un omnivore qu'on a rendu végétarien", s'offusque M.Roué... Quelle aberration ! M. Roué a bien raison de s'offusquer, mais il serait bon aussi de réfléchir à ceci : le porc est un mammifère quadrupède qu'on a rendu immobile. Le porc est un mammifère diurne qu'on élève dans l'obscurité. Le porc dispose d'une queue qu'on lui tranche à quelques semaines. Le porc dispose d'organes reproducteurs qu'on retire sans ménagement. Les truies sont des mères qui normalement s'occupent de leurs rejetons, mais qui lui sont retirés à la naissance pour une refécondation jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus. Le végétarisme imposé me paraît relativement bénin, M. Roué.
J'aime enfin la tranquille franchise avec laquelle les producteurs de porc avouent qu'ils surproduisent et perpétuent un système digne de Treblinka : le cochon n'est pas rentable, produisons davantage de cochon ! Le Brésil ayant renforcé le contrôle sur la déforestation, le soja est plus cher, c'est ennuyeux.
Mais on peut encore, et c'est une bonne solution, entretenir la machine à zigouiller des bestiaux en nourrissant les porcelets avec leurs mères réduites en granulés, et les poussins avec du bouillon de la poule qui les pondit !
En revanche, l'idée de produire un peu moins de chair à bidoche est à écarter : il faut amortir les installations pléthoriques, et la moindre diminution du cheptel risquerait, on s'en doute, de renforcer les défenseurs des cours d'eaux sans nitrates et autres nostalgiques du bocage et des frais vallons.
Continuons donc de produire à perte du porc et du poulet de mauvaise qualité, en économisant sur leur nourriture et en reliant leurs abreuvoirs au réseau d'égout. Ils sont des millions, entassés dans le noir, farcis d'antibiotiques, queues coupées, becs tranchés, dans un silence de mort. Les hommes qui passent entre eux, les écartant à coups de pied, sont les mêmes qui réclament notre solidarité à l'heure de crise, les mêmes qui produisent à perte grâce aux subventions issues de nos impôts. Combien existe-t-il, en France, de ces machines à produire de l'absurde ? A la fois nocives et vaines, auto-entretenues par la force des lobbies, elles pourrissent nos campagnes, ne les avez-vous pas croisées ?
(Complément du 9 mai) : Mon propos ici n'est pas de dénoncer le "cannibalisme". Dans ce contexte, ce ne serait que fausse pudeur. Le public a-t-il été informé que, parmi les multiples succédanées d'alimentation proposés à nos poulets en batterie, figuraient du plâtre, mélangé à leurs propres fientes ? A ce degré d'ignominie, je ne sais à quel saint il faudrait se vouer.
Il y a dans l'élevage industriel une logique qui devrait nous révulser. Mais nous l'acceptons soit en refusant d'y penser, soit en mettant cette logique sur le compte de la nécessité. Or cette nécessité n'existe pas. Rien, absolument rien au monde, n'interdit d'élever décemment des animaux, fussent-ils promis à l'abattage. Rien n'oblige les éleveurs à pratiquer cet élevage dans l'obscurité, réduisant des porcs, qui sont des créatures pas plus bêtes que d'autres, à n'être que des jambons sur pied les peu de mois qu'on leur donne à vivre. L'élevage à perte, fondé sur les subventions européennes ou régionales d'un côté, sur les expédients trouvés pour truquer et frelater les nourritures données à ces pauvres bêtes, pour les entasser davantage, en les ébecquant, en leur limant les crocs, en leur coupant la queue, en les bourrant de Lexomil et autres psychotropes, qui nous donne ce silence effrayant régnant dans ces élevages, qui prélude à leur mort à coup de vérins hydrauliques et de couperets circulaires sans que ces porcs, ni ces boeufs, ni ces poulets, n'émettent le moindre cri, cet élevage à perte, donc, n'est que l'un des multiples aspects par lesquels nous épuisons la nature, nous épuisons ses ressources, et peut-être même sa patience.
La pêche industrielle repose sur le même principe, d'épuiser des bancs entiers de poissons, pour une moitié ou les deux tiers rejetés, morts, nourrissant les mouettes, affamant les phoques, les baleines, les loutres, les requins, et cela pour payer cinq salaires et les traites du bateau. L'opinion publique peut-elle comprendre cela ? Peut-elle accepter cela ? Oui, bien sûr. Nous acceptons tant de chose, déjà. Nous sommes usés par tant d'avanies, par cette pauvre femme qui tend la main devant le MacDonald's, par ces Nigériens affamés par nos propres vaccins, qui ont fait exploser leur population, qui ont épuisé leurs campagnes, et qui se pressent à nos portes aujourd'hui, prêts à affronter mille morts plutôt que de mourir de faim. Nous ne savons littéralement plus où donner de la tête. Chacun de nos gestes a un impact ; nous savons à tout instant qu'il nous faut choisir entre la peste et le choléra - nucléaire ou bio-carburant ? viande bio ou pas de viande du tout ? suremballage éthique ou produit made in China ? Soutenir nos athlètes ou éteindre la flamme ? Etc.
Et nous ne résoudrons rien, de toute façon.
(Illustrations tirées d'une bande dessinée du temps où j'allais à l'école. Pour ceux qui n'arriveraient pas à lire, les bulles immarcescibles sont retranscrites dans les commentaires. Je n'imaginais pas, à l'époque, que j'idéalisais encore la réalité de l'élevage porcin. Tous droits réservés.)
Je refuse d'abîmer encore un dixième de ma vue sur ces dessins. C'est de la ségrégation anti-bigleux, pire une cabale. Et ne me faites pas le coup de "Mais il faut cliquer dessus ma p'tite dame, pour voir en plus grand". J'ai fait. C'est pire, c'est flou.
Quand aux éleveurs de porcs, y a qu'à attendre que le niveau de la mer monte et recouvre la Bretagne. Je pense que ça résoudra les 3/4 du problème.
Rédigé par : Armelle | jeudi 08 mai 2008 à 14:30
Petite précision: je ne défendrai aucunement le réemploi des farines animales, contre lequel je m'élève autant que toi.
Mais pour rester rigoureux et ne pas porter le flanc à la critique, les restrictions très jésuitiques qui sont portées dans le projet de directive interdisent (pour le moment) le cannibalisme: les vaches ne pourraient manger de la farine de vache, etc.
Rédigé par : Benjamin | jeudi 08 mai 2008 à 20:15
Merci de ces restrictions. J'avoue que ce qui me choque profondément n'est pas tant le cannibalisme en soi que le réemploi des os et graisses pour ces animaux confinés qui en plus sont produits à perte, c'est à dire qu'on leur demande, en plus de vivre dans l'obscurité, d'être économes. Cela me choque. Je suggère de produire des abats-jours et des savons en peau de porc, comme cela la logique nazie sera parfaitement respectée.
Rédigé par : Anthropopotame | jeudi 08 mai 2008 à 20:25
Merci
Rédigé par : Armelle | vendredi 09 mai 2008 à 00:44
Tu auras bien compris que je me fais l'avocat du diable et que je n'exprime pas ma propre opinion
L'argumentaire, c'est justement que de donner des farines à des porcs (animaux omnivores) permettra d'une part de baisser les coûts et de récupérer une marge de productivité, d'autre part qu'elle limitera le gaspillage actuel en énergie - l'incinération des farines animales demandant énormément de chaleur et produisant du CO2. (il faut en éliminer des centaines de milliers de tonnes par an, suite aux équarrissages)
L'obscurité, je crois que c'est surtout pour les veaux de boucherie, pour que leur viande reste blanche (parce qu'un diktat dit que le veau, c'est balnc: les Italiens mangent du veau rose et s'en portent aussi bien que nous)
Sois assuré que si des designers mettent les abats-jours en peau de porc à la mode, ça se fera.
Rédigé par : Benjamin | vendredi 09 mai 2008 à 22:27
"Je suggère de produire des abats-jours et des savons en peau de porc, comme cela la logique nazie sera parfaitement respectée."
C'est sur ce parallèle qu'est basée l'excellentissime "Les Racines du ciel" de Romain Gary. A prendre comme livre de chevet pour tous les défenseurs de la nature par humanité.
Rédigé par : Kela | dimanche 11 mai 2008 à 18:45
Je n'ai pas lu ce livre. mais je me souviens de l'avoir noté comme prochaine lecture après avoir lu celui de Joyce Poole, "Coming of Age with Elephants". Elle le cite en tête de chaque chapitre ou presque. Merci de votre commentaire.
Rédigé par : Anthropopotame | dimanche 11 mai 2008 à 23:45