"Pauvre France !" entend-on de-ci de-là. "La France est mal gouvernée" proclament les journaux. Et j'approuve : la France est pauvre, elle est mal gouvernée, au point que l'on ne sait plus si l'on doit en accuser les énarques ou ceux qui leur donnent des consignes. La France est mal en point, certes. On l'éprouve à la simple lecture des commentaires sur n'importe quel blog : imprécations contre les bobos, velléités de brûler des villas sur la Côte d'Azur, désir larvé de prendre aux riches pour donner aux pauvres, ces commentaires fourmillent de bonnes idées.
Pour moi, je souhaite contribuer au débat par une suggestion, modeste certes, mais qui a l'avantage de nous éviter l'horrible prise de tête qui consisterait à engager d'ennuyeuses réformes portant sur les retraites (vive la retraite à 50 ans !), l'éducation (vive l'université qui ne forme personne !), le coût du gazole (vive les subventions aux polluants divers ! Encourageons nos pêcheurs à anéantir les stocks de poisson !), l'élevage industriel (courage, les gars ! tenez bon sur les truies entassées !), la politique internationale (vive la Chine qui ayant épuisé ses ressources exporte ses habitants !).
Ma contribution se veut un utile complément aux différentes recettes portant sur l'art d'accommoder les restes en suggérant d'adopter, comme ration de protéines, les moineaux. Moins coûteux que le soja, plus goûteux que le pigeon, aussi riche en oméga 3 que le bulot, et rimant avec plein de mots, le moineau saura satisfaire la plus exigeante des rimes en "o".
Les moineaux sont nombreux. En ce moment, les mâles passent leur temps à sautiller en gazouillant, ce qui irrite les Français. Les premiers bébés moineaux ont à peine commencé à voler que les parents préparent la prochaine fournée, c'en est trop ! Quoi de plus énervant qu'un bébé moineau, avec son bec jaune, ses ailes frémissantes, qui réclame à manger (attention, ce film peut choquer les âmes sensibles : Téléchargement manege_intolerable_bebe_moineau.MOV).
Les moineaux sont scandaleusement satisfaits de leur existence, ils ne se plaignent pas de vivre à Paris, dans un environnement pollué, en pleine crise de l'immobilier, ils ne réclament pas d'allocations et de manière générale ils contribuent à la morosité ambiante en exhibant leur joie de vivre et leurs couples épanouis.
Certains proposent - et c'est leur droit - différents accessoires permettant de repousser les moineaux, comme celui-ci : Téléchargement repousse_oiseaux_moineau_corneille_tourneau_merle_pigeon_colombe_goland_perruche_oiseau_mouvement.doc
Non, non, non, disons-le tout de go : la place du moineau est dans nos assiettes, même les écologistes seront d'accord.
Le moineau, un ami pour la vie
Le moineau est source de calcium. En effet, il est inutile de le dépiauter : on peut le manger tout entier, comme une sardine. On ménage les stocks de poisson, on évite l'achat de produits laitiers.
Engraissage du moineau
Avant tout mangeage, il est bon de songer à engraisser le moineau. La loi est claire : il est interdit de manger des moineaux, sauf si vous n'êtes pas pris sur le fait (en revanche, on peut le chasser, voir plus bas). Allons-y gaiement, donc. Pour commencer, disposez-vous d'une fenêtre ? Deuxièmement, sachez que le moineau des villes mange surtout des cochonneries. Donc, inutile de lui proposer du quinoa, ou même du tournesol (il s'épuise à le décortiquer avec son petit bec, perdant ainsi de précieuses calories). Mes moineaux se contentent de quatre-quarts breton dont ils disposent en libre-service (en effet, ils entrent dans ma cuisine sans se douter de rien). Ah ! C'est qu'ils en redemandent, les bougres ! Ils refusent les pâtées à base de fiente de poulet et de carcasse de chiens ! Raison de plus pour les manger.
Il a bon goût, le moineau français !
A l'heure de l'abattage, un problème se pose : comment capturer un moineau ? Selon l'association PETA, les moineaux sont intelligents (mais l'Homme l'est bien davantage, d'ailleurs ce n'est même pas comparable). Pour un approvisionnement régulier en moineaux, un chat (ami de l'Homme) dressé spécialement peut à cet égard faciliter la tâche de l'Homme dans son combat pour la vie et contre la nature. Un chat de chasse au moineau est un auxiliaire utile de l'Homme : bien dressé, un chat de chasse au moineau peut capturer trois moineaux par jour, l'équivalent d'un petit pâté apprécié par l'Homme.
Manger au moins cinq moineaux et moinaudes par jour
Le lecteur doit savoir qu'un chat de chasse au moineau est un animal classé en catégorie 4 (permis exigé, obtention en mairie). Cette mesure s'est imposée à la suite de nombreux incidents ayant impliqué des suivis psychologiques. Un bon chat de chasse au moineau a les oreilles retroussées et l'oeil vif, presque inquiétant (à gauche, Bérénice, à droite Darlingo, ci-dessous Mélusine, chasseurs de moineaux) :
Rien ne saurait se comparer à la joie du chasseur de moineau à l'ouverture de la chasse au moineau, lorsqu'il libère enfin le chat chasseur de moineau de son chanil. Le chat chasseur de moineau s'ébroue alors, heureux de quitter son accommodation spartiate pour le grand air.
Le chat en question - ami de l'Homme - ne chasse pas en meute, mais imaginez le bel effet si tel avait été le cas ! Face à un bon chat de chasse au moineau, un méchant moineau n'a aucune chance.
Cela d'autant moins que le camouflage de cette espèce (qui adore les enfants), obtenu par une sélection millénaire, le rend indécelable à l'oeil du moineau :
Boire 1 litre et demi de sang de moineau par jour : une tradition menacée ?
Malheureusement, la chasse aux moineaux est menacée par des activistes (récemment, un chat chasseur de moineau a été grièvement blessé à la papatte lors d'un "accrochage" avec des hunt saboteurs). Rappelons que la chasse aux moineaux est une joie pour ceux qui y participent, selon une tradition immémoriale, et que les enfants adorent entendre les crânes broyés sous la dent qui font "crric-crroc". Et à ceux qui s'indignent de ce que l'on puisse pratiquer ce noble art, je renvoie le lecteur à ces mots, fort dignes, de l'Association Française de Vénerie défendant notre pratique :
"Mettre l'homme à égalité avec le moineau est contraire à tous les ressorts de la pensée occidentale, aux enseignements de toutes les religions, et représente la négation même de l'humanisme. Les thèses soutenues par les plus extrémistes d'entre eux vont en effet jusqu'à prétendre que l'homme étant le véritable cancer de la terre, les catastrophes naturelles, épidémies et autres guerres sont une bénédiction pour le moineau ! Dangereux au plan économique, puisqu'il s'agit de remettre en cause totalement nos modes de consommation et donc notre organisation sociale. Dangereux pour l'homme tout simplement ! C'est une véritable faillite de la pensée, où l'émotion l'emportant sur le raisonnement, la haine de l'homme devient la conséquence logique de l'amour du moineau, de cette perte de références et de valeurs spirituelles. Dangereux car fondamentalement anti- démocratique et voulant imposer leur point de vue par la force. La chasse aux moineaux est un mode de chasse légal, strictement encadré par des textes, leur attitude est intolérante, non respectueuse du point de vue de l'autre, et violente. "
(Merci à Darlingo, Mélusine et Bérénice, qui m'ont autorisé à publier ces photos)
Je suis choqué de la désinvolture avec laquelle vous traitez la question sociale en France. Vous prétendez proposer des solutions à une crise alimentaire, mais vous négligez deux aspects qui rendent ce que vous prônez hors de portée de la majorité de nos concitoyens : avoir un chat n'est pas dans les moyens des familles modestes. D'autre part, j'en connais beaucoup qui aimeraient bien avoir des fenêtres. D'ailleurs, vous tombez le masque un peu plus loin : la chasse au moineau se pratique en équipage, sport aristocratique ou tout au moins réservé à une élite, qui roule en 4x4 et se paye des villas sur la Côte tandis que d'autres triment pour gagner leur vie. Enfin, donner du quatre-quart aux moineaux est typique d'une bobo attitude qui ne peut que révulser les consciences. Il est scandaleux que le CNRS accueille des gens comme vous, qui gagnent des mille et des cent sur le dos des contribuables écrasés par les charges pesant sur le travail. La France a besoin de chercheurs qui trouvent, et pas de fainéants qui passent des vacances au Brésil.
Rédigé par : Augustin | vendredi 23 mai 2008 à 16:52
Le moineau saura-t-il satisfaire la plus exigeante des rimes en "o"?
Le moineau saura-t-il se jouer de rouge polémique en Bleu Russe mots ?
Le moineau saura-t-il trotter menu et panser la vacuité des maux ?
Rédigé par : Gwen | samedi 24 mai 2008 à 14:34
Il me semble, chère Gwen, qu'un moineau saurait aisément faire tout cela. Mais le moineau en question devrait d'abord se ressaisir, reprendre confiance en lui, et laisser un oiseau de plus forte carrure lui porter ses valises, eussent-elles des roulettes.
Rédigé par : antrhopopotame | samedi 24 mai 2008 à 14:41
Mais alors je ne comprends pas. J'ai entendu quelque part que le moineau de Paris était en voie d'extinction. La faute à Darlingo, Mélusine et Bérénice ?
J'ai bien ri en attendant. J'ai beaucoup de retard de lecture de ce blog.
Rédigé par : Armelle | dimanche 25 mai 2008 à 14:57
Non, non, Armelle, c'est le moineau de Londres qui est en extinction. Welcome back, my sweet !
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 25 mai 2008 à 15:10
mmmmh ? Bah je vais re-regarder dans mes sources. Je m'en voudrais de contredire un anthropologue. Mais tout de même, j'avais entendu que le moineau s'effaçait face au pigeon.
Bon, bon, mangeons donc du moineau. Si cela peut nous rendre moins pigeon.
Rédigé par : Armelle | dimanche 25 mai 2008 à 15:35
Il est rigolo le commentaire d'Augustin. Dr Jekyll et Mr Hyde ?
Je n'aime pas le misérabilisme.
Rédigé par : Armelle | dimanche 25 mai 2008 à 15:53
Tu as peut-être raison, en fait, le moineau parisien est probablement menacé de disparition (l'UICN aurait d'ailleurs plus vite fait de publier chaque année la liste des espèces NON menacées, ce serait moins long à lire). Si le moineau se fait rare, on peut envisager un juteux commerce de piafs pour des restos à touristes.
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 25 mai 2008 à 21:24