Ma destination était moins exotique que d'habitude : les Lucs sur Boulogne, haut-lieu des guerres de Vendée. Ma tante y possède une maison avec un jardin d'un hectare que j'entretiens de temps en temps.
Je ne surprendrai personne en signalant que c'est le printemps - mon album photo ci-contre pourra en témoigner. Le jardin était très fleuri, l'hiver était humide et les plantes reprennent vigueur mais perdent du parfum. Parmi les oiseaux : entrée en force des huppes fasciées, naguère épisodiques, disparition des pics verts et apparition des pics épeiches, moins de pinsons que d'habitude, des hulottes en phase de reproduction, beaucoup de merles et peu de grives. Un couple d'hirondelles seulement : gros problème d'insectes volants, manifestement.
Plein de grenouilles (une tous les 5m² environ), des lézards verts franchement agressifs (voir ci-contre), une couleuvre et quatre vipères, un orvet seulement.
Fauché, tondu, fendu le bois. On dit que quelques jours de vacances font perdre des points de QI, et je suis assez d'accord. Je pencherai pour 1 pt de QI par jour, ce qui fait que je suis passé sous la barre des 100 (si tant est que je l'atteignais).
Regardé la télé, aussi, je me suis réjoui du journal de France 2 : je pense que nous atteindrons bientôt les canons de la Globo en termes de rigueur et de hiérarchie des informations. En même temps, je comprends que les journalistes soient ennuyés face aux feintes et aux esquives du pouvoir : comment dissimuler le fait qu'il n'y a rien à cacher ? La France va à vau-l'eau, nous sommes mal gouvernés et encombrés de députés, de sénateurs, de conseillers municipaux, régionaux, généraux qui de toute façon n'ont aucune notion de ce qu'est l'intérêt général. On entre en politique par ambition, et non par compétence. On entretient une image à toute force, en déployant une énergie monumentale à entretenir son carnet d'adresse, autant d'énergie qui n'est pas dépensée à l'acquisition de ce qu'on pourrait appeler, vulgairement, une pensée politique. Les hommes politiques ne commencent à réfléchir qu'une fois à la retraite, ou quand dégoûtés ils sortent de l'arène.
Les déclarations (hum, c'est un grand mot) de Jean-François Copé ce matin, à propos de trente mesurettes prises dans la foulée du rapport Attali, sont éclairantes (il y avait "des hommes de gauche" dans la commission). La France n'est plus perçue, et par personne, comme un ensemble solidaire. Nous sommes des catégories juxtaposées, et chacune est une épine dans le pied des autres : les patrons, la main d'oeuvre, les retraités, les fonctionnaires, les handicapés, les chauffeurs de taxi, le monde agricole, les marins-pêcheurs, et j'en passe, voilà le petit monde qui s'agite et dont on se demande ce qu'ils font là tous ensemble. Je regarde les journaux télévisés et je ne sais si l'on s'adresse à moi depuis mars ou la lune. Et des tornades passent aux Etats-Unis. Et bientôt ce sera la saison du baccalauréat ("C'était aujourd'hui l'épreuve de philo pour des milliers de lycéens..."), puis les vacances ("le point sur ces vacanciers courageux qui ont pris le premier bain de l'année..."), puis l'ouverture de la chasse ("On l'appelle Mamie Roberte : elle a 90 ans mais pour rien au monde elle ne manquerait son faisan...") : les infos ne sont pas quotidiennes, elles sont annuelles, l'avez-vous remarqué ? Chaque jour, on ressort les bobines de l'année précédente. Et un petit point sur mai 68 : gros plan sur Cohn Bendit annonçant "nous occupons la Sorbonne" clic clac et le canapé est replié.
J'ai rêvé de Churchill l'autre jour. Rêvé que je pleurais à la fin de chaque volume des Mémoires de la deuxième guerre mondiale. Quand je les lisais, je me souviens de mes difficultés à dormir et de mes rêves épuisants. J'avais dû suspendre la lecture pour prendre un peu de repos. Et je pensais à Churchill, le matin au petit déjeuner : nous nous réveillons et songeons à la lettre qu'il faudra mettre à la poste, à un coup de fil à passer, à deux trois courses qu'il faudra faire ; lui pensait aux nombres de combattants en Birmanie, aux négociations avec Roosevelt, à l'approvisionnement en oeufs de la capitale, à la mise au pont des radars, à Rommel, à Franco, au pétrole à livrer aux troupes australiennes, au siège de Malte qu'il lui fallait lever, et la planète entière se couvrait de têtes d'épingles colorées.
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