"Non, rien de rien..." C'est l'air que je fredonne au réveil, ce beau dimanche, où Guillaume et moi prenons de grandes décisions. Le programme de la journée est clair : nous suivrons la voie de nos aînés, multipliant les rendez-vous, agissant ainsi en véritables anthropologue et géographe. Le premier rendez-vous est avec Olzeno, à neuf heures. Nous attendons devant la porte de sa propriété, il pointe à 9h pile, nous montre les orchidées, mais notre relation est moins chaleureuse. Il veut voir nos accréditations, insiste sur l'argent qu'il gagne à donner des cours et à vendre les orchidées... Puis nous explique qu'il ne vit plus dans cette propriété depuis que des bandits l'ont assaillie, enlevé sa femme et tiré une balle dans son poumon à lui. On comprend, bien sûr, qu'il préfère dorénavant vivre en ville.
Il expose ensuite ce qui fait la richesse de son travail : membre d'une institution gouvernementale, il est aussi chercheur, et s'intéresse particulièrement aux voies empiriques par lesquelles les paysans découvrent des solutions à leurs problèmes. Ainsi d'un coléoptère rongeant les racines du palmier pupunha. A force de tâtonnement et d'échanges d'informations, Olzeno a mis au point un traitement qui consiste à remplir d'eau le trou creusé par l'insecte, au lever du jour, moment où il vient juste de s'enfoncer. Il ressort alors au bout d'un quart d'heure, quand il faut compter une heure trente si on l'a effrayé au préalable.
Olzeno propose de nous conduire chez Heraldo, l'ancien récolteur de latex. C'est de l'autre côté de la ville, et nous sommes accueillis par sa femme. Heraldo est parti dans le Minas prendre soin d'un fils malade. Qu'à cela ne tienne : son épouse est née ici, et je l'enregistre pendant une heure me raconter l'arrivée des migrants et la manière dont les occupants des lieux furent traités : "On nous prenait pour des Indiens !" dit-elle.
De retour en ville, nous tâchons à meubler cette journée en téléphonant à tout vat.
Pas de chance : nos interlocuteurs ne sont pas du même avis, ils ont le culot de refuser de nous rencontrer ! Cela au motif qu'ils seraient en famille, goûtant un repos bien mérité. Ni Ana Martinha, ni João ne daignent répondre au téléphone, Soraia me salue d'un "Bon dimanche !" et Deuseminio estime plus sage de nous rencontrer demain.
Du coup, il ne nous reste qu'à nous rabattre sur le Faustao, équivalent des "Vivement dimanche" de Drucker en mille fois pire. Je m'ennuie dans ma chambrette, comme le montre cette photo, terrible :
Je ne puis passer ma journée au Ranchão, en dépit de la présence de Mirlem. Bref, je m'ennuie, je fume, je bois et je médite. Il faut dire que Guillaume et moi sommes un peu saturés de rencontres et que nous n'avons nulle envie de faire un tour en ville.
Rédigé par : |