11/07, vendredi. Fernando, ingénieur forestier, mari d’Estela, ingénieur forestier également. Tous deux sont consultants. Son visage a manifestement été recomposé, ressemble à accident de tronçonneuse. Corpulent, parle fort. A une opinion sur tout. Il est arrivé en 1986, déjà formé, de Curitiba, à l’époque où se mettait en place la politique de plano de manejo. Son bureau est constitué par tronçon de la base d’un tronc énorme.
L’assentamento (implantation de réforme agraire) Margarida Alves est le seul dont la réserve légale (50%) a été faite d’un bloc, en copropriété de tous les assentados qui doivent faire plano de manejo. Elle est également la seule où il y a eu averbaçao no cartorio (enregistrement notarié ; lorsque ce n’est pas le cas, les réserves légales finissent par être assentadas également, donc perdent encore 50% de leur surface…). Elle a été envahie entre 2003 et 2004, il y a eu immédiatement derrubada de 100 alqueires – 250 hectares, mais grileiros ignoraient qu’elle était enregistrée. Donc ont fait leur dégâts, ont exigé de l’argent pour partir, mais ont dû partir de toute façon.
C’est là que Walmir, comme chef d’IBAMA (superintendencia Ji-Parana), a commis sa boulette : a vendu le bois à scierie sans même faire procès-verbal. De plus, bois doit être donné à cinq catégories d’établissements publics, pour qu’ils en fassent usage, or a offert le bois à des assoc qui l’ont revendu. Walmir avait été indiqué pour l’IBAMA par Marina Silva elle-même ; il se croyait intouchable. Il a légalisé le bois (APTF : certif d’origine), mais l’exploitant en a profité pour prélever quelques arbres sur pied de ci de là… Walmir ne se souciait que du côté économique, il ne se souciait pas de restaurer le couvert végétal. Historiquement formé par le PT mais pas de formation supérieure ; or sa fonction lui permettait d’avoir autorité sur des ingénieurs et des inspecteurs de police, qui le prenaient très mal. Les menaces de mort viennent de fazendeiros légalisés qu’il a voulu expulser pour agrandir réserve biologique.
Fernando explique que l’INCRA est le principal fautif du déboisement de la région (80%) car il encourage la prise de possession par les brûlis. Il dit « Primeiramente é a vida humana : vamos financiar para que nao precise desmatar.” – “D’abord la vie humaine, puis des financements pour éviter le déboisement”.
En 2005, l’environnement est passé de l’IBAMA au SEDAM, qui gère le FNMA (Fonds national pour l’environnement). Fernando recruté comme consultant et APA désignée pour mettre en œuvre le FNMA.
Devaient pour Margarida Alves faire plan de gestion à usage multiple. Ils auraient également pu en être les exécuteurs mais à condition que le projet soit respecté par la communauté. (Explique que désormais on ne fait plus d’échantillonnage des ressources, il faut considérer chaque arbre, le mesurer…).
A propos des tags « fora IBAMA, fora SEDAM, abaixo Arco de Fogo », signés « A Liga », il nous explique qu’il s’agit de la Liga dos Camponeses pobres (Ligue des paysans pauvre, LCP) qui veulent créer tumulte pour s’approprier forêt native et revendre le bois. Ils entrent dans les aires de conflit pour retirer le bois et lotir. Ils sont contre l’opération Arco de Fogo, car autrefois l’IBAMA ne donnait amendes qu’à des gens solvables comme fazendeiros et madeireiros, qui étaient médiatiques, et évitait de s’en prendre à petits paysans, mais maintenant ils font aussi pression sur assentados qui ne respectent pas APP. Fernando explique que dans les cas d’invasion, il vaut mieux invoquer le crime environnemental plutôt que d’aller vers la reintegraçao de posse (réintégration de propriété), processus qui peut durer des années. Ceux qui organisent et planifient les invasions sont des groupes d’avocats qui ont accès au cadastre et aux titres échangés et en situation provisoire (hypothèques, héritages disputés par héritiers…). Ils créent association, vendent des participations à des sans terre ou à des individus sans scrupules qui font des lots et les revendent, etc.
Il revient sur l’APA, dit qu’en devenant gestionnaires de projets (trop gros pour eux) ils ont perdu de vue la partie production. Le promanejo par exemple comptait 240000 reais. Or tout était placé sur compte unique de l’APA, au lieu d’être placé sur comptes séparés. Renilda et Lindomar ont fait plonger l’association, alors que Renilda avait reçu des formations en administration et gestion. (Lindomar et Ivone plus tard contrediront cette version d’un seul compte bancaire.)
Rendez-vous suivant : CEPLAC. Deuseminio et Soraia. Ont eux-mêmes projet de coopérative, Coopervida, pleine de bonnes idées, partent du principe qu’il faut tout produire et tout récupérer soi-même, par démarche volontariste, proposent donc en premier lieu fabrique d’engrais organique. Soraia nous parle comme à des élèves de CP, expliquant la situation des petits paysans pauvres qui ne produisent rien à part de lait de vache et qui achètent tout le reste, y compris la viande.
Je ne sais plus pourquoi elle me conduit à une salle d’ordinateur… Complice, elle me demande ce que nous cherchons réellement – la vérité, réponds-je. Elle m’annonce alors que c’est elle qui a récupéré les deux ordinateurs confisqués à l’APA. J’ai l’impression d’être James Bond : je déploie mon charme vénéneux. « D’accord » dit-elle. Elle allume les deux ordinateurs, et en effet, tous les dossiers sont là, les listes d’adhérents, les projets, les comptes, les photos, etc. Il y a l’ordinateur portable de Lindomar, et je charge, je charge, je charge sur ma clé USB. Il y en aura pour des jours à explorer tout cela, mais on peut dire qu’au moins nous aurons fait un grand pas. Lorsque j’annonce la nouvelle à mes camarades du MPP, le programme des mariages est bouleversé : je ne puis épouser Soraia car je suis engagé envers Ivone, donc il faudrait que Philippe s’y colle, et du coup c’est Guillaume qui devrait épouser Ana Martinha, Regina restant célibataire. Liz refuse Samuel et Olzeno (elle veut continuer à vivre à Rio), elle court le risque d’être exclue de notre groupe.
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