Environ 11h du mat. Paressant dans la chambre, petit somme après promenade jusqu’au Madeira, voir les locomotives de l’ancien chemin de fer (le chemin de fer Madeira-Guaporé, construit au début du siècle pour le transport du caoutchouc et dont on dit qu'il causa autant de morts qu'il comporte de traverses).
La rive d’en face a l’air assez boisée. Baraques sur le fleuve, la bière à 3 reais, puis rues commerçantes – nombre invraisemblable de boutiques de matelas et de vendeurs de télécommandes. Ville en damier, sans charme particulier. J’ai lu le canard local (Estadão de Rondonia) et j’apprends incidemment qu’Ingrid Bettancourt a été libérée dans la nuit de mercredi à jeudi, et que Lula a attendu ce jour-là pour condamner les prises d’otages par les FARC. Je suis bien content pour elle en tous cas.
Pour moi, je surveille ma déchirure au poumon et l’arrière goût de ma salive, pour le cas où je me remettrais à cracher du sang. Guillaume lit le rapport du PPG7 sur l'APA. Je suis heureux d’être loin de Paris, mais la chaleur monte, monte, il faudra bientôt allumer l’air conditionné.
17 h. Philippe est arrivé comme nous étions partis déjeuner. Chassé-croisé, puis j’entends des femmes parler de lui dans la rue, et enfin il arrive, en chemise noire, et nous apprend que l’APA a fait faillite ! Oups, que faire à présent ? Ou bien nous allons plus loin, dans l'Acre, étudier un autre projet, ou bien nous maintenons la mission en cherchant à comprendre les raisons de l'échec (ce qui d'ailleurs sera plus intéressant pour DURAMAZ).
Ce qui ressort de la lecture des rapports concernant la région est une méconnaissance du milieu amazonien, un faible encadrement technique, donc un énorme gâchis de terre ravagée par les brûlis, des familles rapidement face à sols épuisés, nombreux intrants, usage d'agrotoxiques, peu d’excédents et pas de débouchés (la vente aux intermédiaires ne compensent pas coût de production).
Les noms des principales familles ont des consonances portugaise, allemande, même polonaise. En 1992 sont créés un syndicat et une association : syndicat pour la lutte politique et les droits, association pour trouver alternatives agricoles et avoir des revenus tout au long de l’année. Travail d’intéressement des femmes, jusque là cantonnées à maisonnée et potager. Implantation de SAF (système agroforestier) : planter dans aires dégradées, remplacer le bétail (seule possibilité jusqu’alors pour terres épuisées, mais vulnérables à la sécheresse) par des plantations variées : cupuaçu, pupunha (palmito), açaí, miel. Avec également plantation d’essences nobles (acajou, andiroba, teck) pour le long terme. Appuis successifs 1997-1999 et 2001-2003 permet de passer à la transformation du coeur de palmier et production de pulpe de fruits et miel, ainsi que farine de babaçu et farine lactée. Les femmes entrent alors résolument dans circuit de production, les hommes sont investis de la commercialisation et distribution. Au départ environ 18 familles, on atteint les 250 familles en 2005, sur 4 municipes (total 20000 habs = 10%). 500 ha récupérés, protection forêt galerie, agriculture biologique. Avantages du SAF : on travaille à l’ombre, et en groupe, donc le temps passe plus vite. Les alentours des maisons sont boisés donc protection en cas de tempête et forte chaleur. L’accent est mis sur coopération et partage du savoir : le SAF demande des compétences techniques et scientifiques concernant nature du sol et du terrain. Tout cela a demandé beaucoup d’entraide et formations successives.
Nous passons la journée à nous demander que faire, s'il faut louer une voiture ou non, s'il faut partir dès demain ou après demain (dimanche)... En fin de compte nous nous répartissons les tâches : Philippe s'occupe de relancer Brasilia qui n'a toujours pas envoyé nos autorisations de recherches -et vu le climat d'hystérie autour de l'Amazonie les chercheurs ont intérêt à être couverts - Guillaume va imprimer les questionnaires DURAMAZ et moi je me charge de trouver une voiture. Le soir venu, j'éprouve un fort désir de boire un chope (demi de pression) mais ce n'est pas la spécialité locale. Nous décidons d'aller boire un verre au bord du fleuve : le soir tombe, c'est joli, mais il y a un boucan effroyable et l'absence d'urinoir se fait sentir au sens propre du terme.
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