Connaissez-vous Algernon ? Une pauvre souris de laboratoire sur laquelle est menée une expérience révolutionnaire : décupler les capacités de son cerveau. L’expérience est un succès, aussitôt transposée à un handicapé mental qui dès lors comprend mieux que ses médecins la faille du traitement, et voit décliner puis mourir Algernon sachant qu’il suivra sous peu le même chemin.
Eh bien c’est ce roman qui m’accompagnait durant tout mon cours de civilisation : week-end exubérant et productif, aujourd’hui abattement, plantages réguliers, déconnexions impromptues de mon hémisphère droit. Mes étudiants catastrophés m’entendaient leur parler des Jésuites. Incapable de formuler une phrase simple j’enchaînais les subordonnées auxquelles je ne comprenais plus rien : « Bras armés du pape les Jésuites veillent sur les Indiens au temporel comme au spirituel, par la Mission qui leur incombe et se traduit en concessions territoriales, la Réduction ensuite qui désigne non le village mais la mission de les « conduire » ou reconduire, et l’Aldée, c'est-à-dire le village construit sur un modèle en U ». Pour des étudiants de première année cette phrase dite sans ébaucher l’ombre d’un sentiment ou d’une intonation est une phrase perdue. Ma gorge se serrait à mesure. Plus capable de donner du sens à ce que je disais. Je me sentais comme Algernon sentant se refermer sur moi les murs du labyrinthe dont elle ne comprend plus ce qu’elle y fait ; perdu donc dans un XVIe siècle qui m’était devenu étranger.
Tête des élèves en sortant, comme après un mauvais film. Deux étudiantes viennent me voir : elles sont Erasmus et veulent s’inscrire à l’examen. Ce n’est pas leur domaine mais disent-elles le cours était « très intéressant ». Je les interroge, les pousse dans leurs derniers retranchements : elles finissent par avouer que le cours était nul à chier.
Plus les aléas du métro, pour faire d’une journée sans M. un cauchemar sans fin. Une jeune femme obèse ce matin, handicapée, se jette littéralement sur moi alors que j’étais absorbé par la lecture. Pas d’autre choix que de changer de place, elle m’a éjecté, tandis que son père, à distance, haussait la voix, tonitruait.
Puis un jeune homme ce soir, conversation interminable au téléphone, voix haut perchée, décrivant un grave incident ayant perturbé sa classe, cela de telle manière que j’étais incapable de comprendre ce qui s’était passé. Enfin, doctement, il conclut : « Ca s’ fait trop pas !! »
Dans cet état psychique, ce fut un jeu d'enfant que de repenser à mes trois dernières années. Elles m'apparaissent soudain sous leur véritable jour: trois ans de cauchemar ou trois ans de prison, avec une femme qui n'en valait pas la peine.
Après cela, envie de rentrer et de se coucher !
olala! Je m'absente 15 jours et tu en profites pour pondre une vingtaine de posts. Le bon cote, c'est que je vais pouvoir remplir mes soirees de célibataire temporaire à lire ta prose
Rédigé par : mouton | mardi 30 sep 2008 à 10:31
Il faut reconnaître que les anthropopotames ont de gros sabots...
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 09 oct 2008 à 20:12