Nous savons tous, je pense, comment cette crise va s'achever : quelques faillites opportunes, quelques épargnants sur le carreau, moral des ménages à l'orage selon les sondages. Tout finira par des rimes en "-age".
Ce qui m'intéresse, c'est la manière dont les choses se résoudront d'elles-mêmes. Cela ne se fera pas sans accompagnement de force déclarations. Ces déclarations, déjà écrites, seront prononcées au compte-goutte, après réunion avec les partenaires sociaux, les acteurs économiques, la mère du jeune chômeur suicidé (il y en aura forcément un), etc. Que diront-elles ?
L'Etat s'investit pleinement. Il a donné des directives très claires (aux banquiers, aux distributeurs, aux représentants du monde économique) en vue de moraliser tel ou tel comportement jugé dorénavant immoral. "Si la situation n'est pas redressée, si les experts missionnés par le gouvernement n'observent pas d'évolution favorable, alors nous légiférerons".
Cette méthode de gouvernement est à la fois pragmatique - elle reconnaît le fait que légiférer, tel que cela se pratique aujourd'hui, ne sert qu'à apaiser l'émotion de citoyens bouleversés. Les lois nouvelles ne seront pas suivies de décrets d'application, elles resteront dans les limbes avec les enfants morts non baptisés - et économique.
Je suggère donc que le gouvernement s'attelle résolument à la tâche de changer les moeurs avant de changer la loi, et d'appliquer ce principe à tous les domaines actuellement régulés. Réunissons les vendeurs et consommateurs d'héroïne, sermonnons-les, suggérons-leur d'adopter un code de bonnes pratiques (pas de réglement de compte en public, interdit de dealer avant l'âge de seize ans, limiter sa propre consommation et dépendance), et disons que nous légiférerons après, si rien ne change. Faisons de même pour l'hygiène alimentaire des restos à touristes, pour le travail au noir, pour l'évasion fiscale. Soyons fermes sur les principes. Moralisons de haut en bas l'échelle sociale. Mobilisons les prêtres et les imams. Agitons le spectre de la loi vraiment efficace. Nous verrons sans doute nos maux résolus d'un coup de baguette magique. Les escrocs cesseront d'escroquer. Les spéculateurs cesseront de spéculer. Les trafiquants cesseront de trafiquer, les cambrioleurs de cambrioler, etc. Ils suivront sagement des stages de formation moralisée. Qu'avons-nous besoin de lois, après tout ? Qu'importe la loi, pourvu qu'on ait foi en un avenir meilleur.
Je me suis rendu compte du sentiment qui gagne l'électeur après chaque élection, et chaque espoir déçu, particulièrement dans le domaine de l'action contre le réchauffement global et la crise de l'environnement. Bush élu une fois, puis deux fois, et ici, Sarkozy. On ne pense plus : il faut lutter, il faut faire pression. La vanité de l'action civique est si claire que l'on pense : "attendons la prochaine élection". A dix degrés supplémentaires sans doute continuerons-nous de penser cela, et d'attendre...
Attendre des jours meilleurs. Ils finiront bien par venir, sinon dans cette vie-ci, du moins dans la prochaine.
Rédigé par : |