C'est un poème de Lucrèce qui débute ainsi : "Qu'il est bon, quand la mer est agitée, d'assister depuis le rivage à la détresse de ceux qui luttent contre les vagues..."
Eh bien, la crise boursière me fait le même effet. Quand je lis ce titre, par exemple "Les bourses d'Asie au bord du krach", je songe à ceux qui vont et viennent la tête entre les mains, pleurant leurs milliards enfuis, et les journaux suivant heure par heure l'effondrement des bourses du monde, le monde de la finance qui se dégonfle soudain avec un grand "pffflllllppplffffpp".
On me dira que ma situation est confortable : mon argent n'est pas placé, faute d'argent pour cela. Mais ce n'est pas cela qui m'étonne ou me ravit. Je suis juste perplexe de voir qu'entre les immenses titres trahissant les dérives de Dexia, la tragédie de Morgan Chase, l'épopée funeste de Natixis, gît enfoui parmi les capitales un minuscule entrefilet : "un mammifère sur trois au bord de l'extinction".
C'est moins grave, il est vrai, que si j'avais perdu mes petites économies. Plus de daman, de desman de phoque-moine, de tigre du Bengale, de rhinocéros noir, de pachyure étrusque, de ouistiti doré, de chimpanzé pygmée, de gorille de plaine, d'éléphant de forêt, fort bien, mais par pitié, ne trouez pas mon bas de laine !
Alors le monde s'afflige. Et moi qui avec quelques dizaines d'individus sur terre nous préoccupons davantage de ce que signifie un monde dévasté par l'homme qui ne saura quoi faire une fois atteint le point de non-retour, je vois en toute clarté l'importance relative de l'extinction de masse aux yeux de l'opinion publique : un entrefilet.
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