Je suis en train de lire le livre de Franz J. Broswimmer, professeur à l'université de Hawaï, Ecocide, publié en 2003 aux éditions Parangon. Pas une très bonne maison : peu de soins dans la mise en page ni dans la présentation.
Ce livre retrace le parcours de l'espèce humaine en analysant toujours le résultat en termes de faune et d'environnement. Depuis les chasses aux mastodontes et aux bisons précipitant des troupeaux entiers du haut de falaises, laissant pourrir des dizaines d'individus, jusqu'aux "grandes civilisation" babyloniennes ou athéniennes, laissant les terres imprégnées de sel ou des montagnes dénudées par l'érosion...
Bien sûr, on est tenté de repenser notre histoire en termes d'histoire naturelle. Notre comportement fut toujours celui d'une espèce invasive - à preuve, la faune africaine a souffert moins d'impact que lcelle des autres continents du fait de notre expansion. 85% de la mégafaune australienne (espèces de plus de 45kg), 70% de celle d'Amérique du Nord, 80% de celle d'Amérique du Sud... Ces chiffres donnent le tournis. Comme si ce que nous appelons notre intelligence, vue de l'extérieur, était en fait une capacité que nous ne maîtrisions pas.
Appellerions-nous intelligence la grande habileté déployée par un architecte pour promouvoir l'effondrement de ses constructions ? Appelons-nous intelligence les ruses déployées par un alcoolique pour s'approvisionner en alcool ? Ou pour un joueur invétéré, l'obstination qu'il met à contourner les interdictions des casinos, des banques, le désespoir de sa famille ?
Nous agissons avec intelligence pour ce qui est de nos intérêts immédiats. Mais depuis que l'homme est l'homme, la survie de notre espèce est due, non seulement à notre capacité à inventer des solutions face à de nouveaux problèmes, mais aussi à la générosité de la nature qui a jusqu'ici pu subvenir à nos besoins, un peu comme si elle découpait des lambeaux de sa chair vive pour nous alimenter. Les autres espèces, tant animales que végétales, ont payé.
Face à cette dynamique irrésistible, on peut se demander s'il y a lieu de réagir. Les voix appelant à la mesure, sans doute, n'ont jamais manqué. Et ne furent jamais écoutées.
A observer la multiplicité des individus, chacun possédant sa logique, ses tactiques d'évitement de penser, on peut se dire bien sûr qu'il est parfaitement inutile de pousser un énième cri d'alerte. Si l'on ramène le taux d'extinction des espèces à notre démographie,on découvrira peut-être que le ratio population humaine/taux d'extinction n'a que peu varié. Serions-nous dès l'origine une espèce vouée à l'extermination des autres vivants ?
Je vais finir par croire en notre solitude, en notre puissance irrésistible, un peu comme si un groupe de guerriers Yanomami faisait face à la grosse Bertha ou à un sous-marin atomique. Les autres n'étaient pas de taille : voilà la conclusion que l'on pourrait tirer. Mais en tout cela nous nous sommes comportés comme si nous n'étions que de passage sur cette Terre. Des pique-niqueurs peu scrupuleux laissant des papiers gras, vidangeant leur véhicule dans le ruisseau d'à côté, puis flanquant le feu à la forêt.
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