Bizarre. Je lis un article sur les classes moyennes dans Le Monde et j'apprends que je n'en fais pas partie! Les profs d'universités appartiennent aux classes supérieures...
Hmmm. Le journal détaille ensuite le revenu des familles authentiquement moyennes et je m'aperçois qu'il est supérieur au mien. Et, dit le journal, "Il reste six cents euros à la fin de mois, trop peu pour faire face à des imprévus". Par exemple, que faire si la deuxième bagnole tombe en panne.
Ben mon vieux. S'il me restait six cents euros à la fin du mois... Tout ce que je pourrais faire avec 600 euros! Offrir 24 bouquets de fleur à M. la jolie. 12 restos pour deux. Acheter une voiture, une télé, une cinquantaine de livres. Payer une femme de ménage.
Le paradoxe des classes moyennes en France est donc le suivant: elles gagnent davantage que la classe immédiatement au-dessus, mais ne s'en plaignent pas :
"Ils n'osent pas vraiment se plaindre. Se reprennent dès qu'ils s'épanchent : "Il y a plus malheureux que nous !" Ils ont "la chance" de ne pas être au chômage, le "luxe" de pouvoir partir en vacances. Eux, les "classes moyennes", pas "très riches", mais pas "pauvres" non plus, pas malheureux donc, a priori." ("Familles ric-rac", Le Monde du 24/01/09)
Voilà la différence : moi, je passe mon temps à me plaindre de ce que je gagne moins d'argent que les classes moyennes !
600€ en fin de mois, on aimerait bien aussi!
Rédigé par : Narayan | lundi 26 jan 2009 à 11:01
On pourrait même créer une caisse commune, une petite cagnotte, pour se payer un cinoche!
Rédigé par : anthropopotame | lundi 26 jan 2009 à 11:08
Ce à quoi on peut vous répondre par deux clichés:
Premier cliché:
Vous êtes riche de votre savoir, c'est pour ça qu'on vous range dans les classes supérieures.
(Ca aide pas à payer l'EDF, mais ça compense)
(quoi, on se le demande)
Deuxième cliché:
La vraie grande différence c'est celle qui sépare ceux qui ont 600 € en début de mois de ceux qui ont la même somme en fin de mois.
Les premiers sont des pauvres, les seconds ont une capacité d'épargne puisqu'ils dégagent un revenu disponible excédentaire non affecté à de la consommation ou de l'investissement.
Vous êtes quelque entre les deux.
Ce qui devient intéressant est de voir ce que chacun fait de ces 600 €.
Les pauvres les consomment intégralement.
Les classes moyennes renoncent à l'affecter à de la consommation (ils ont déjà satisfait leur désir de consommation: consommer davantage serait du luxe) ou à l'investissement (avec 600 € on fait rien), donc l'affecte à de l'épargne (faire face au coup dur, épargne de précaution).
Vous: en tant que presque pauvre vous avez intégralement consommé votre revenu. En tant que classe sup vous avez un fantasme d'investissement (acheter une voiture, des livres, une télé) et un fantasme de consommation (fleurs, restos, femme de ménage).
Vous affichez trois différences essentielles.
Primo: vous vous plaignez de votre conditions sociale, ce qui vous distingue au moins des classes moyennes dont les revenus sont supérieurs.
Secondo: à aucun moment vous n'avez songé à épargner les 600 € et surtout pas à la suite d'un renoncement, ce qui vous distingue là encore des classes moyennes.
Tertio: vos besoins sont satisfaits (mais pas vos envies) ce qui vous distingue des pauvres.
Assez logiquement les stats vous rangent donc dans une catégorie différente des deux autres.
Restait à savoir s'il fallait vous caser entre les deux sur le critère du revenu ou vous placer au dessus des deux sur le critère du comportement.
Les critères qui finalement vous placent en catégorie supérieure sont 1) le comportement face à l'épargne: à aucun moment vous n'envisagez d'épargner et 2) l'aptitude à accepter votre condition sociale et à assumer vos envies: vous vous plaignez - donc vous n'acceptez pas votre condition sociale - et vous avez envie de plus et de mieux.
Vous remarquerez qu'il s'agit de critères comportementaux qui traduisent un certain état d'esprit fondamentalement peu vertueux d'un point de vue social: l'esprit de contestation et le faible goût pour l'épargne ne sont pas des tendances que nous pouvont tous nous permettre.
Seule une minorité peut avoir sans dommage pour la société des comportements de ce genre.
Dernier point: cette minorité est elle une élite?
C'est là que la détention d'un savoir pèse d'un poids décisif: en tant que prof de fac vous êtes non seulement une minorité, mais bien une élite.
Votre classement en classe sup est donc justifié, car il est la contrepartie de comportement peu vertueux mais socialement admis en ce qui vous concerne, par privilège par rapport aux autres classes.
Vous appartenez donc à une aristocratie, certes pas fortunée, mais qui a le droit de se plaindre et de claquer son pognon sans pour autant être dans le besoin.
Rédigé par : tschok | mardi 27 jan 2009 à 13:43
Excellent commentaire - je suis sincère - et j'apprécie l'analyse. Je crois juste devoir vous reprendre sur un point: mon problème n'est pas de ne pas avoir 600 euros pour faire face à l'imprévu, mon problème est de manquer 600 euros pour faire face aux dépenses prévues. Mécaniquement, le mois suivant, il me manque 1200 euros, puis 1800, etc. Voilà le drame épouvantable qui m'amène à ma plaindre. Cela dit, je me plains de tout et tout le temps, c'est dans ma nature...
Rédigé par : Anthropopotame | mardi 27 jan 2009 à 16:30
Bah!
C'a toujours été le problème de l'aristocratie: son train de vie.
Mais plaie d'argent n'est pas mortelle (sauf au jeu).
Rédigé par : tschok | mardi 27 jan 2009 à 19:40
Il est vrai que l'idée d'être un aristocrate atténue ma peine. Vous êtes un fin psychologue, cher ami!
Rédigé par : Anthropopotame | mardi 27 jan 2009 à 22:39