Les étudiants ont décidé le blocage partiel de l'Université de Neverland. "Partiel" signifie qu'en cas d'incendie seuls 70% des gens périront carbonisés face aux portes cadenassées.
Dans dix minutes commencera la réunion de département, suivie d'une réunion avec les étudiants. Comme d'habitude, les étudiants qui souhaitent reprendre les cours ne participeront pas aux AG où les étudiants en lutte contre le patronat décréteront la grève totale et illimitée.
La routine, donc.
12h20: Fin de la réunion. Je mange héroïquement un sandwich (la composition de ce sandwich fera l'objet d'une note à part). Comme prévu, ma position était minoritaire, les collègues qui la partagent étant en cours ou ayant renoncé à assister à la réunion. J'ai eu du mal à faire entendre que je ne me trompais pas, mais que je ne partageais pas les choix idéologiques de la majorité. J'ai dit qu'on commençait par faire de la recherche et qu'après on cherchait des fonds, et pas l'inverse. Que le népotisme des présidents d'Université ne ferait que déplacer la racine du népotisme, jusqu'ici cantonné aux commissions de spécialistes - peu de bouleversement, donc. Les plus virulents étaient précisément ceux qui ne faisaient pas de recherche, entre autres les PRAG, dont on se demande au nom de quoi ils prendraient position sur le statut des enseignants-chercheurs.
A 13h, réunion avec l'ensemble des étudiants (du moins ceux qui n'ont pas abandonné l'université). J'annoncerai pour ma part que je reprends les cours.
Je pense très fort à mes lecteurs qui pensent très fort à moi dans l'espoir que je deviendrai un leader d'opinion (peu importe laquelle, d'ailleurs). Je suis un vrai empoté! Vos espoirs sont mal placés! Je ne deviendrai JAMAIS un vrai leader d'opinion !
13h50: fin de la réunion avec les étudiants. Notre PRAG s'est improvisée porte-parole: "C'est pour vous que nous luttons, il faut que vous soyez à nos côtés pour donner du poids au mouvement"...
Et voilà comment on sabote un deuxième semestre.
14h55: Dans le couloir, je croise deux jolies collègues d'anglais:
"- Etes vous en grève, chères collègues?
- Oui, et vous?
-Moi, je suis le méchant qui est contre la Princesse de Clèves.
-Ah... Bonne solitude, alors!"
c'est fou comme, de si loin, les mots de "routine" résonnent juste ;)
la France se met en grève : la routine quoi.
(ce n'est qu'un clin d'oeil, pas un jugement de valeur sur le bien-fondé du mouvement en lui-même)(non mais je précise quoi)(on ne sait jamais :P)
Rédigé par : Dodinette | mardi 17 fév 2009 à 15:57
Yes, Dodinette, et il a suffit que je dise aux étudiants qu'à mon sens, ils ne devraient pas faire grève, pour qu'aussitôt ils décrètent la mobilisation générale. Je suis vraiment le pire leader d'opinion du monde!
Rédigé par : anthropopotame | mardi 17 fév 2009 à 21:05
Ah le débrayage d'amphi. Un grand souvenir...
Premier contact avec la base (ou le troupeau c est selon). C'était à Paul Sab'.
"Bon les gars cette aprem on débraye et tous le monde dans les bus qu'on a bloqué pour aller a la manif au Cap'"
"Oui on débraye et on fonce à la plage"
"euh non là, si c'est pour aller a la plage, c'est pas la peine de débrayer"
"ben si on sera en grève"
"ah ouais et qui c'est qui va se rendre compte que vous êtes grévistes? les dauphins? y en a pas à Narbonne."
Là je fut écarté de la tribune par les encartés. Et ce fut la fin de ma carrière d'agitateur étudiant: Pourquoi se décarcasser quand le père ducros il les a déjà mis en boite.
Rédigé par : Mouton | mercredi 18 fév 2009 à 22:17