Assez régulièrement votre serviteur - connu pour être une créature inoffensive - est envahi de colère. Je le dois peut-être à la tutelle d'Ogoum, protecteur ombrageux, qui n'est pas de très bon conseil. "Bin t'as qu'à le tuer !" est généralement la proposition la plus subtile qui lui vienne à l'esprit. Je compense en consultant régulièrement la douce Fantômette, et je parviens ainsi à contrôler, peu ou prou, mon taux d'adrénaline.
Comme mes colères sont plutôt glaciales, elles ne font pas de moi un être très agréable à fréquenter. Or depuis trois jours je sens monter cette vague qui me submerge et dont je ne sais comment me débarrasser. Depuis deux ans ma colère a pour objet mon ex, celle que j'appelais mon épouse. Nous ne nous voyons plus, je n'ai plus revu la petite depuis juin dernier.
Je croyais bien sûr avoir tourné la page, mais il suffit d'un détail, d'une minuscule piqûre de rappel, et tout s'enchaîne à nouveau : rumination, reprise de contact, explosion. Je ne puis avouer crûment que depuis deux ans qu'elle est partie les draps ne sont pas encore froids. Etrange si l'on pense à ce que j'ai souffert les derniers mois de notre relation - et réciproquement, sans doute. Le sentiment d'être une nullité indigne de vivre, qui explique largement combien mon trou dans le poumon m'avait au fond soulagé en m'évitant cette épreuve un peu pénible qu'est le suicide.
Ce qui m'a remué, c'est - puisqu'elle a eu la bonne idée de s'installer à 200 mètres de chez moi - de voir, attaché à son vélo, le nouveau vélo de sa fille, petit vélo rose avec des roulettes. L'idée que depuis deux ans je n'ai pas vu cette enfant grandir, que je l'ai quittée quand elle montait à peine sur sa trottinette, m'a peu à peu envahi, jusqu'à occuper tout l'espace.
Et quelques succès professionnels venus ces derniers temps ont aggravé la chose, ce qui est un peu obscur mais qui, je le suppose, relève d'une attitude enfantine - on en trouve quelques exemples dans la série "Le Petit Nicolas", et que je formulerais comme suit: "Vois-tu, tu m'as tant fait souffrir que j'ai vécu ces années en état d'aboulie. A présent que nous ne sommes plus ensemble, tout ce que tu me reprochais tombe de soi-même, et tu n'es même pas là pour le voir, voir le travail que j'ai fait et qui est, petit à petit, reconnu."
Tout cela est ridicule, j'en conviens. Je cherche des dérivatifs et je n'en trouve pas. Autrefois un voyage suffisait à me vider l'esprit, mais ce n'est plus le cas.
Aujourd'hui l'eau a été coupée toute la journée, et j'ai pensé à ce chant qui décrit Ogoum, celui qui, même quand il a de l'eau à la maison, se lave avec du sang.
il est des histoires d'amour qui laissent éternellement une trace, qui peut être de la colère. Je n'ai pas de recette, je n'ai pas de conseil, sauf peut être de (ré-)apprendre à s'aimer soi-même, et un jour...
Rédigé par : Narayan | vendredi 06 mar 2009 à 20:39
Même état de colère sourde depuis quelques mois... pas par amour, mais ça n'en est pas moins difficile. Que faire? Je ne sais pas... attendre que ça passe avec patience, peut-être? Pas encore trouvé d'autre solution non plus.
Rédigé par : Dr. CaSo | samedi 07 mar 2009 à 11:57
@ CaSo : bienvenue au club des colériques inapaisables ! Je dois dire que le mois de mars ne porte pas ce nom pour rien: c'est un mois qui appelle à porter le fer et le feu jusqu'au Monoprix.
Rédigé par : anthropopotame | samedi 07 mar 2009 à 12:43
La colère serait elle génétique... Développons nous un terrain favorable a la colère. En ce qui me concerne, je ne souffre pas de ce mal... Il m'arrive d'être en colère, mais elle est si brève, une sorte de soupape pour permettre d'évacuer pleins d'autres sentiments. Non en ce qui me concerne je souffre de compassion. C'est aussi douloureux que la colère ou que tout autre sentiments vécu en excès... La solution est je pense de ne pas supprimer, mais de repartir, de diluer... Au lieu d'être en très colère contre une seule chose, l'être un petit peu sur plusieurs... Mais comme tout bon conseil, il est toujours plus facile de le dire que de le faire... Bon courage a toi...
Simple curiosité de bergere, qui ne demande pas nécessairement de réponse, pourquoi ne peux tu pas faire parti un peu de l'éducation de la petite... Serait il vraiment inconcevable de vous parler pour en parler... Les murs sont ils réellement infranchissables, êtes vous tous deux si obstinés que vous ne pouvez chacun concevoir de faire quelques pas l'un vers l'autre...
Rédigé par : bergere | samedi 07 mar 2009 à 19:45
Bergère, j'aurais pu, à la rigueur revoir régulièrement la petite, mais il aurait fallu pour cela que je fasse le deuil de sa mère (selon les termes qui m'étaient imposés). Je préfère ne pas en parler en fait parce que c'est extrêmement douloureux et que ma colère monte rien qu'à évoquer ce sujet.
Par ailleurs, la petite a déjà un père, et si j'en crois mon intuition, un troisième larron est en train d'assumer ce rôle auprès d'elle, jusqu'au prochain revirement de Madame. Cela ferait un peu beaucoup d'éducateurs pour une seule petite fille.
Rédigé par : anthropopotame | samedi 07 mar 2009 à 19:50