Non, non, ce n'est pas de moi qu'il s'agit - bien que je sois passé par un méchant coup de blues ces jours-ci, mon cerveau ne s'est pas fendu en deux, cela en grande partie grâce aux vertus thérapeutiques de M. la Jolie.
Non, la schizophrénie guette plutôt le gouvernement brésilien en ce qui touche à l'Amazonie.
Voyons un peu. On entend régulièrement, dans l'opinion internationale, des voix qui s'élèvent pour réclamer l'internationalisation de l'Amazonie. Ces voix ne sont pas celles de porte-paroles autorisés, mais émanent plutôt des Prosper et des Josette qui, de ci de là, réclament également que l'on jette une bombe atomique sur les territoires palestiniens ("comme ça la question sera réglée"), que l'on fusille les actionnaires des entreprises qui délocalisent, etc.
Soyons clairs: l'Amazonie brésilienne est, comme son nom l'indique, brésilienne. Elle est le résultat de traités internationaux, comme le Dauphiné appartient à la France ainsi que le Périgord et la Bretagne. Donc le fait de s'égosiller qu'il faudrait "internationaliser l'Amazonie" n'est rien d'autre qu'un égosillement vain, tout le monde le sait, les diplomates brésiliens les premiers.
Mais ces appels stupides sont une excellente affaire pour le Président Lula, qui a beau jeu, comme l'ont fait tant de dirigeants avant lui, de crier à l'outrage et au complot, et, porté par les lobbies ruraliste et militaire, accélérer la colonisation de l'Amazonie au nom de la souveraineté nationale.
En 1937, le Président Vargas, soutenu par une frange de l'armée, avait prétexté de l'existence d'un "plan Cohen" de sédition communiste orchestrée par l'Etranger pour décréter l'état d'urgence et créer dans la foulée un régime dictatorial appelé Estado Novo.
Ce plan Cohen, comme le "Protocole" des Sages de Sion, n'a jamais existé.
Il n'était autre qu'un programme d'entraînement élaboré par l'Armée brésilienne elle-même, comme le font toutes les Armées du monde lorsqu'il s'agit d'anticiper et de parer à d'éventuelles menaces.
Donc, le complot international pour s'emparer de l'Amazonie fait parfaitement l'affaire du gouvernement brésilien et de son armée, distillant une saine xénophobie parmi les populations rurales promptes à deviner, sous l'anthropologue en mission, un agent de Satan et de l'AntiBrésil.
Où est la schizophrénie, me direz-vous? Rien de bien schizophrène jusqu'ici...
Moui, mais considérons les faits suivants : à qui le Brésil fait-il appel pour préserver l'Amazonie ? A l'ignoble Etranger aux doigts crochus. Et le Président Lula, fort de son pouvoir sur la 6e ou 7e puissance économique mondiale, ne saurait se résoudre à simplement "demander". Non. Il faut qu'il l'exige comme un dû :
Lula volta a cobrar de países ricos ajuda para preservação
de florestas
No Dia Mundial do Meio Ambiene, o presidente Lula
afirmou que os países ricos têm que pagar ao Brasil para ajudar na preservação
da floresta e os chamou de "carecas" por não terem árvores. "Não podemos aceitar
o discurso simplista deles [países ricos] que temos apenas que preservar. É
preciso que os países ricos que já desmataram toda sua floresta comecem a pagar
para que a gente preserve a nossa". Lula disse que só concebe política ambiental
se ela possibilitar melhoria de vida para as pessoas mais pobres e o equilíbrio
entre ambientalistas e empresários radicais."
Traduction: Lula réclame à nouveau que les pays riches aident à la préservation des forêts.
Durant la Journée Mondiale de l'Environnement, le président Lula a affirmé que les pays riches ont l'obligation de payer pour aider à la préservation des forêts, et les a qualifiés de "chauves" pour n'avoir plus un arbre debout. "Nous ne pouvons accepter leur discours simpliste [les pays riches] selon lequel il faut juste préserver. Il faut que les pays riches qui ont déjà abattu toutes leurs forêts commencent à payer pour pour que nous préservions la nôtre". Lula a dit qu'il ne conçoit une politique environnementale que dans le mesure où elle permet l'amélioration de la vie des plus pauvres et un équilibre entre environnementalistes et entrepreneurs radicaux."
Ce discours... ah, de la pure poésie.
Notons l'ironie du "discours simpliste" dénoncé par Lula, quand le sien repose sur l'opposition "riches/pauvres". Rappelons encore une fois que le Brésil est un pays riche, richissime même, qui a payé rubis sur l'ongle sa dette au FMI et se propose désormais de devenir prêteur, et non plus emprunteur.
Lorsque Lula dit que les pays "riches" sont "chauves" pour avoir abattu leurs forêts, il s'adresse bien entendu aux Prosperos et aux Josetas Brésiliens, qui ne savent rien, ne veulent rien savoir, et se complaisent à penser que des pays comme la France sont des pays sans arbres.
"Il faut que les pays riches commencent à payer" - la dialectique tiers-mondiste du tiroir-caisse, la posture post-coloniale du dominé, cela me fait sourire avec toutefois quelque poussée de vomi.
Le lecteur, sans doute, aura du mal à croire qu'un Président de puissance mondiale s'élève au niveau dialectique d'un dirigeant nord-coréen. (Le lecteur français est certes habitué à des discours de haute volée de la part d'not'président à nous).
Mais ce discours laisse entendre autre chose. Si l'on pense que les principales avancées environnementales en France l'ont été grâce aux directives européennes, on peut songer combien il est confortable, pour un pays comme le Brésil, de faire reposer la préservation de la forêt sur une culpabilisation des pays occidentaux, qui seront également coupables des échecs (comme la france se dédouane sur l'Europe de sa propre inertie), cependant que le Brésil pourra avancer triomphalement sur la voie du Progrès, grâce aux routes, aux camions, aux méga-centrales hydrauliques, et au soja, soja, soja, et à la canne à sucre, canne à sucre, canne à sucre.
Aux lecteurs: votre serviteur s'absente une dizaine de jours à la campagne. Patience, je reviendrai plus en forme que je ne le suis.
bonnes vacances alors !!!
Rédigé par : Narayan | jeudi 11 juin 2009 à 15:53
Narayan, garde-le pour toi, mais les deux dernières lignes du post sont une innocente stratégie destinée à Mouton, histoire de vérifier qu'il lit les notes jusqu'au bout :)
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 11 juin 2009 à 15:56
Moi je vais au bout du bout et j'en déduis que je ne te verrai point à ma brocante et vente de savon d'Alep. Humm, tu m'abandonnes...
Rédigé par : evelyne | jeudi 11 juin 2009 à 22:40
Non, mais je te donne carte blanche pour promouvoir ton savon sur ce blog.
Achetez "Alep" : le savon d'Evelyne d'Alep qui sent très très bon !
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 11 juin 2009 à 22:49
Je lis les posts en entier mais pas toujours dans l'ordre (par déformation pro: intro puis conclusion puis le reste).
Rédigé par : mouton | vendredi 12 juin 2009 à 02:57