Lisant le blog de ICE, je tombe sur cette note, qui reprend une private joke qui circule sur les blogs scientifiques.
La private joke, c'est qu'il existe une possibilité de jouer au bingo (voir cette note de Tom Roud) en tentant de réunir les différents arguments des négateurs du réchauffement climatique: "On n'arrive pas à prévoir le temps dans trois jours alors imaginez dans cinquante ans", "la science ne fonctionne pas sur le mode consensuel, le GIEC est donc un organisme politique", etc.
La note de ICE insère une vidéo que je ne parviens pas à copier ici (DailyMotion c'est trop compliqué pour moi), un entretien promu par LCI entre Julliard et Ferry, qui cassent du climatologue et de l'écologiste à leur manière, à la manière donc du Marquis de Norpois, au sujet duquel le narrateur proustien écrit:
"C'est aux idées qui ne sont pas, à proprement parler, des idées, aux idées qui, ne tenant à rien, ne trouvent aucun point d'appui, aucun rameau fraternel dans l'esprit de l'adversaire, que celui-ci, aux prises avec le pur vide, ne trouve rien à répondre. Les arguments de M. de Norpois étaient sans réplique parce qu'ils étaient sans réalité."
Mais ce qui me frappe surtout, à écouter cet aimable dialogue, c'est la justesse de l'analyse qui veut que l'on bascule dans la négation du réel lorsque le cerveau est frappé par la limite d'âge. Ferry appelle à plus "d'innovation, moins de peur", car il a foi en le génie humain. C'est vrai, c'est un Humaniste, il souhaite, comme Claude Allègre, une meilleure intégration de l'ingénierie et de l'écologie. Si la planète mérite d'être sauvée, c'est parce qu'elle est une extension du Génie de l'Homme. Il n'est donc pas zoophile, comme il le souligne très clairement dans son livre Le Nouvel Ordre Ecologique.
"La peur et l'urgence, je déteste ça, dit-il, car elles ouvrent la voie du totalitarisme". C'est vrai, mieux vaut s'assoir et pondérer quand le navire fait naufrage: trop de précipitation ouvrirait la voie d'eau.
On ne pouvait trouver plus bel éloge de la bêtise, bingo !
Bah... ce que dit Luc Ferry mérite à peine un billet ou alors il faudrait faire un billet comme celui d'hier (très bon... si ! si!) sur le communautarisme. Comme Sarkozy à propos du métissage et du communautarisme, Ferry construit de façon arbitraire son opposition des deux écologies : la mauvaise, qui joue sur la peur et l'urgence (qui conduirait soit disant au totalitarisme), et la bonne, celle qui parie sur la science et l'intégration de l'écologie dans l'économie. Valeurs positives d'un côté, négatives de l'autre. C'est de la rhétorique ! Rien d'autre. Même pas de la philo.
Rédigé par : anthropiques | jeudi 10 déc 2009 à 22:03
Bonjour Jean-Michel, et merci pour ton mot concernant la note d'hier. J'aurais voulu la développer davantage, donner l'exemple de ces Guarani expulsés de leurs terres et trouvant refuge en ville, où ils ont reconstitué leurs parcours de cueillette sous forme de mendicité en porte à porte.
Mais si je publie cette note-ci, c'est d'une part pour montrer combien le bingo en question est un jeu amusant qui dévoile le caractère automatique de l'enchaînement des contre-arguments au réchauffement, mMais aussi pour souligner le fait que les Allègre, les Ferry et consorts forment une sorte de club de réflexion - qui a d'ailleurs les oreilles de nos élites - et qui ne protestent pas vraiment contre une réalité climatique, mais contre une orientation que pourraient prendre les sociétés humaines, de tendre vers plus de modestie. Imbus d'eux-mêmes, l'idée qu'on pourrait faire une place aux autres vivants autrement que sous la forme d'un steack (comme le disait poétiquement Prochiantz) serait reconnaître leur fourvoiement.
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 11 déc 2009 à 07:56