Un Emile Littré, seul, serait de taille à rédiger la grande encyclopédie de la connerie humaine. Mais rassurons-nous, elle existe : elle est en libre accès, sur Youtube.
L'entrée du jour porte sur cette fonction imaginaire : un boucher doublé d'un anatomiste et d'un chirurgien. Vous êtes livré, pieds et poings liés, et il lève vos filets sans toucher aux artères. Vous pourrez ainsi, vivant, regarder cuire votre chair et la voir dévorée par des touristes ébaubis, qui filment votre calvaire, et placent la vidéo sur Youtube avec force points d'exclamation.
Voici donc ce que l'on nous propose, en guise d'exotisme mâtiné de gastronomie.
Voyons la langouste:
Puis le poisson cru qui attend vos baguettes:
Enfin, le serpent et le poisson frit vivant:
Chacun de ces animaux, comme vous et moi, est sensible à la douleur. Les poissons particulièrement sont bardés de capteurs. "Il fallait bien qu'ils meurent, de toute façon" me direz-vous... Oui, mais l'encyclopédie porte sur les humains, sur le plaisir qu'ils éprouvent à voir, à filmer, à commenter, et à finalement manger les yeux rivés dans ceux des êtres qu'ils torturent.
Est ce mieux que la facon dont est traite le betail dans les abattoirs? Je suis pas sur.
Le fait est que ca, on le voit pas. Alors si c'est ca qui gene, soit.
Mais c'est un peu la politique de l'autruche.
Perso, ca me gene pas, moi. Manger du poisson super frais, jamais conserve au frigo ou congele, ca doit etre quelque chose.
Quand a la notion de douleur chez ces animaux, je suis pas sur non plus peut-etre a part pour le serpent, mais lui il est decapite, donc niveau douleur, c'est probablement la meilleure chose....
Rédigé par : Le Piou | jeudi 04 fév 2010 à 17:29
Mon cher, ma note porte sur la psychopathie. Si tu aimes manger de la viande ET voir la vache souffrir au moment de l'abattage, tu n'es pas seulement un consommateur mais aussi un psychopathe. C'est là que réside la différence...
Rédigé par : anthropopotame | jeudi 04 fév 2010 à 17:51
Connerie *humaine*, en effet. Car il me semble que ce type de "délicatesse" ou de "jouissance gastronomique" est typiquement humain. Quand une antilope ou un gnou se font bouffer par des lions, ils se font bouffer vivants aussi et passent sans doute un sale quart d'heure. Il m'est arrivé de rester méditer en regardant une araignée dévorer une mouche (on a les loisirs qu'on peut !) : que se passe-t-il à ce moment-là chez la mouche ? Est-ce qu'elle gamberge ?
La prédation inter ou intra-spécifique est dans la nature et donc aussi chez l'homme (JM Schaeffer que je viens de lire ne me contredira pas là-dessus). Mais il y a sans doute quelque chose de spécifique à l'espèce humaine dans cette capacité à pouvoir jouir (parfois en toute bêtise, comme dans les vidéos ci-dessus) de la souffrance de l'autre (quel qu'il soit, homme ou bête). Mais aussi à pouvoir s'en indigner : je ne pense pas que le lion se soucie beaucoup de la souffrance de ses proies, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il ajoutera encore moins l'adagio d'Albinoni pour accroître l'émotion (dans le sens de la jouissance ou de la critique d'ailleurs ? la vidéo sur ce point est ambiguë). En tous cas c'est en ce sens que je travaille tout cela, sans pour autant souscrire à "la Thèse" (Schaeffer) ;-)
Rédigé par : Jean Michel | jeudi 04 fév 2010 à 22:00
Je n'ai pas regardé les vidéos pour ne justement pas apporter de l'eau au moulin de "L'encyclopédie".
@le Piou: les deux choses sont distinctes. Ce n'est pas parce qu'on dénonce quelque chose que les autres sont meilleures ou laissées de côté.
Le pire est que ces pratiques sont de "grande classe".
Rédigé par : OLivier | vendredi 05 fév 2010 à 00:35
Certes, mais je ne suis pas certain d'y voir absolument une ode a la torture.
c'est plutot une recherche de la fraicheur "absolue".
Qui s'insurge de voir le "coeur" de l'huitre battre encore avant de l'avaler? C'est au contraire une garantie de pas degueuller son repas pendant la nuit qui va suivre.
Alors ne serait pas plutot pass'que vous humanisez des molusques en leur attribuant la douleur que cela vous choque?
Anthro, tu donnes l'exemple de la vache. Oui mais les mamiferes "ont" la douleur. c'est donc autre chose.
La langouste ne l'a pas.
Le poisson ne l'a pas non plus.
Donc bon.
Je concois l'idee derriere tout ca, mais les exemples sont mal choisis a mon avis.
Le seul qui souffre devant ces images, c'est l'homme en pensant a ce qu'il ressentirait s'il subissait la meme chose.
C'est marrant mais il me semble qui tu as deja parle du danger de preter aux animaux des traits humains... (ou alors c'est pas toi, mais j'ai un gros doute, la...)
En meme temps je suis peut-etre tout simplement qu'un salaud de bouffeur de viande crue...
PS: c'est marrant mais tu as tendance a commencer toutes tes repliques par "mon cher", "mon ami" ou encore "ami Piou" quand tu vas me contredire...
Rédigé par : Le Piou | vendredi 05 fév 2010 à 07:51
@ Olivier: merci, je n'aurais pas dit mieux!
@Jean-Michel: content que tu aies lu Schaeffer! Cela nous évitera de reparler de Descartes... Concernant les exemples que tu donnes, la mise à mort est généralisée dans le monde des prédateurs. Les contre-exemples abondent, mais sont minoritaires: les grands fauves étouffent leurs proies, les araignées les paralysent par leur venin. Les loups, en effet, dévorent des victimes affaiblies par les hémorragies qu'ils provoquent. Les chats enlevés trop tôt à leur mère n'apprennent pas à chasser, et donc n'apprennent pas à tuer avant de manger... Mais je ne sache pas qu'ils éprouvent du plaisir à infliger de la souffrance à autrui. Et dans tout cela je ne vois aucun exemple d'un loup ayant mis une vidéo sur YouTube avec la mention: "Je mange un caribou vivant!!!"
@Le Piou: je dis toujours mon cher, ami Piou, car je te contredis toujours. En l'occurrence, poissons et langoustes sentent parfaitement la douleur, et les poissons en particulier la sentent très intensément. Tu m'avoueras que la fraîcheur d'un poisson ne se mesure pas uniquement au fait qu'il remue les ouïes? Ce que je souligne, encore en fois, c'est que pour éprouver du plaisir à voir sa nourriture vivante au moment où on la mange, c'est qu'il y a un défaut d'empathie désigné cliniquement sous le nom de "psychopathie". Les psychopathes jouissent de la souffrance d'autrui: ici, il m'apparaît que le plaisir ne naît pas simplement du fait que le poisson soit vivant, c'est aussi que le poisson assiste à sa propre dévoration.
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 05 fév 2010 à 09:41
de mémoire, en abattoir l'animal est tué AVANT d'être dépecé ...
Rédigé par : Narayan | vendredi 05 fév 2010 à 13:40
Je suis plus que septique sur la douleur des poissons (http://www.aquabase.org/articles/html.php3/douleur-chez-les-poissons=247.html), mais la n'es pas le sujet.
Donc je recardre, cher ami, sur "Les psychopathes jouissent de la souffrance d'autrui".
C'est clair que c'est vrai. PAr definition, meme, je dirais.
"ici, il m'apparaît" [donc c'est une opinion personnelle] "que le plaisir ne naît pas simplement du fait que le poisson soit vivant, c'est aussi que le poisson assiste à sa propre dévoration." [La encore une interpretation personelle: tu consideres comme acquis que le poisson a pleinement conscience que c'est lui qu'on mange. Ce qui n'est pas le cas]
Donc bon, je comprends et meme j'adhere a ta definition du psychopate, ce que je dis c'est que tu base ton raisonement sur de mauvais exemple pour conclcure que les gens qui bouffent/preparent ces plats sont des monstres.
Narayan: je faisais juste le parallele en la soit-disante cruaute que subisssent le homard et le poisson ci-dessus au sort des milliers de betes qui sont abattues chaque jour dans des conditions plus que limites.
Rédigé par : Le Piou | vendredi 05 fév 2010 à 17:47
OK soyons clairs: je ne sais pas si le poisson "a conscience ou non de sa propre dévoration" mais j'observe qu'il est soigneusement maintenu le regard posé sur l'assiette grâce à une pique en bois, et ma réflexion portant sur les humains, je suggère que le plaisir de manger ce poisson naît de l'idée que se fait le bouffeur que le poisson se voit être bouffé.
La situation dans les abattoirs porte également au coeur, mais le réflexe du bouffeur de bidoche lambda est d'essayer, au moment de manger sa tranche de jambon, d'en faire abstraction. Si on mange son entrecôte en jouissant à l'idée que des animaux ont souffert pour en arriver, nous en revenons au point de départ de ma note, à savoir qu'il existe des gastronomes-psychopathes.
Rédigé par : anthropopotame | vendredi 05 fév 2010 à 18:24
Est-ce vraiment important de savoir si l’animal souffre ou pas?
Est-ce que ces psychopathes existent vraiment ? Ces vidéos ne sont-elles pas plutôt un simple divertissement que les médias entretiennent avec excellence de nos jours ?
Je me demande parfois si c'est moi qui vis dans un monde virtuel ou si ce sont les médias qui créent notre monde.
Rédigé par : Guga | vendredi 05 fév 2010 à 21:41
@Narayan: Je ne suis pas aussi sûr, la sur-production fait passer l'animal au second plan, le fait qu'il soit encore vivant ou pas importe peu.
http://www.lepost.fr/article/2009/08/28/1673251_un-abattoir-charal-vu-de-l-interieur.html
Rédigé par : OLivier | samedi 06 fév 2010 à 03:20
"Ces vidéos ne sont-elles pas plutôt un simple divertissement que les médias entretiennent avec excellence de nos jours ?"
@Guga: les médias ne font que répondre à un public ; ils n'innovent, ne créent jamais ou alors après des enquêtes précises.
Rédigé par : OLivier | samedi 06 fév 2010 à 03:23
@Olivier: je veux bien croire qu’ils répondent à un public et que ces psychopathes existent. Les empereurs eux aussi répondaient à un public en organisant les jeux romains.
Ce qui me dérange, c’est l’importance que les médias donnent à ces comportements, ce que je ne supporte pas, c’est cette banalisation de l’anormal.
« That’s not the shape of my heart.»
That’s not the world I live in.
Rédigé par : Guga | dimanche 07 fév 2010 à 22:18
Guga, les médias n'accordent strictement aucun intérêt à cette affaire. Seule la troisième vidéo provient d'un média chinois. Les autres sont des vidéos filmées par des touristes. La note visait à s'interroger sur ce qui les pousse à se réjouir de manger des animaux vivants.
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 07 fév 2010 à 23:17