La future Centrale de Belo Monte, sur le fleuve Xingu, fait l'objet d'une bataille sociale, politique et juridique extraordinaire au Brésil.
L'Institut Brésilien de l'Environnement (IBAMA), chargé d'évaluer les études d'impact, a rejeté à plusieurs reprises les propositions des cartels, jusqu'à devoir céder à la pression du Président de la République, Lula, qui a exigé des "délais raisonnables" et stigmatisé ceux qui cherchent à paralyser le Brésil.
Le Ministre de l'Environnement, Carlos Minc, s'est vu obligé de concéder des délais raccourcis, et l'autorisation préalable est sortie en janvier, après la démission de plusieurs responsables de l'IBAMA.
Or, contrairement aux principes constitutionnels, les populations indigènes menacées par ces barrages n'ont pas été consultées, les études d'impact ont été bâclées, les puissances promises ne tiennent pas compte des flux réduits de saison sèche, et 100000 personnes devraient être déplacées, de nouvelles villes construites, des routes asphaltées, modifiant en profondeur le paysage amazonien en aval du Xingu, l'amont étant déjà largement déboisé. (Sur cette image, le Parc Indigène du Xingu au milieu du front de colonisation - la centrale serait située dans la partie supérieure de l'image)
Le Ministère Public Fédéral a donc annoncé qu'il bloquerait par tous les moyens la réalisation de ces barrages. A quoi l'Avocat Général de l'Union répond qu'il intenterait un procès à tous les membres du Suprême Tribunal qui se dresseraient contre ce projet.
La rhétorique n'est pas à la hauteur des enjeux: les Ministres chargés de ces grands travaux accusent le Suprême Tribunal d'être "le bras armé des ONG". Or ces instances de contrôle, qui existent au niveau de l'Union et des Etats fédérés, se voient obligées de paralyser à tour de bras les grands travaux publics en raison de soupçons de corruption, de surfacturation, de fraudes, et bien sûr, d'études d'impacts douteuses.
Le Président Lula, manifestement, souhaite s'inscrire dans la tradition des Présidents "intégrateurs": les constructeurs de routes et de centrales, insensibles à la question environnementale et aux gaspillages.
Ce qui me semble révélateur, c'est que cette polémique se déroule au sommet de l'Etat. Jusqu'à présent, on trouvait d'un côté l'Administration, de l'autre la société civile, et quelques ministres dissidents forcés à la démission. A présent, c'est Pouvoir contre Pouvoir.
Lula, à quelques mois de l'élection, ayant chauffé la place à sa successeure désignée, sortira-t-il vainqueur ou définitivement brisé?
Voir cette belle réflexion de Paulo Brack intitulée "Enterrez ma conscience loin de ce fleuve"
Voir également:
http://www.estadao.com.br/estadaodehoje/20100204/not_imp505918,0.php
http://www.estadao.com.br/estadaodehoje/20100205/not_imp506644,0.php
http://www.estadao.com.br/estadaodehoje/20100204/not_imp505919,0.php
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