Temps des Grâces, temps de l'élégance

Votre serviteur est allé voir hier le film Le Temps des Grâces, documentaire portant sur les pratiques agricoles et les moyens de faire revenir un semblant de vie dans les sols. J'ai été frappé par la lucidité et l'extrême clarté d'expression des gens interrogés (agriculteurs, éleveurs, agronomes, microbiologistes, élus...). Sans doute le réalisateur a-t-il sélectionné ceux dont la palette d'expression était la plus vaste. Par contraste, j'ai repensé à l'émission de critique cinématographique animée par Beigbeder sur Canal +. J'avais été effrayé d'entendre des chroniqueurs (recevant des salaires) dire d'un film: "L'histoire est très sympa" ou "le scénario est bien barré", concluant: "ça le fait!"  

Grâce à Dieu la nuance d'expression a encore droit de cité sur cette Terre.

Le film apporte autre chose, qui est une réflexion, menée par les intéressés eux-mêmes, sur ce qui inhibe l'agriculteur lorsqu'il s'agit d'investir dans la valeur ajoutée. L'idée que l'on extrait de la terre une matière première, un "minerai", interdit d'aller au-delà, de penser en termes de qualité, d'adaptation de la semence au terroir. L'apport de l'agronomie des années 60 fut précisément d'affranchir les hommes de la connaissance des sols et des cultigènes locaux, en homogénéisant, par des intrants, les conditions de production et de récolte. Cela étant accompagné de discours et de chansons exhortant les paysans à "nourrir la France", à "produire et servir".

Comme le faisait observer un des intervenants (l'agronome Dufumier je crois), la France a tant de particularités locales qu'il faudrait plutôt investir dans des produits de qualité, plutôt que de chercher, par le dumping, à produire toujours plus de poulets ou de porcs afin d'inonder le marché africain. "Le monde doit se nourrir lui-même", disait cet agronome, "laissons à chacun le soin de privilégier l'agriculture qui lui convient, et concentrons-nous sur ce qui fait la richesse de notre sol".

Pour changer de sujet il me semble important de signaler que votre serviteur a quant à lui investit dans le vrai chic parisien, afin de donner de la valeur ajoutée à Anthropopotame. Oui, les chauves⁽¹⁾ doivent veiller, plus que les chevelus, à disposer d'une ample garde-robe. 

C'est ainsi qu'avec ma Chiara en guise de Chaperon j'ai écumé le BHV hier où, désireux d'en ressortir avec des habits verts, j'ai acheté:

 

une parka noire, une veste bleue, trois pantalons (un gris, un noir, un beige), deux paires de chaussures, trois chemises, une dizaine de paires de chaussettes. Et voilà !
 

⁽¹⁾ Je précise que je suis chauve car les chauves ont récemment subi des attaques insidieuses sur un blog pourtant soucieux de lutter contre le fanatisme et l'exclusion. Or les attitudes anti-chauves sont répandues en France, mais les pouvoirs publics ne semblent guère s'en émouvoir. On peut rire des catastrophes naturelles et des sinistrés, pourvu que ce soit avec esprit et une posture de Prométhée; mais la calvitie est un sujet trop grave pour qu'on le traite à la légère, "en passant", sans avoir l'air d'y toucher.

Comments

[Rédigé par : Silvère]

J'aime bien vos 'textes pour rien'. L'être pour rien que je suis les préfère à tous les autres. Ils ont ce petit quelque chose d'élégamment vide, et c'est si peu courant en ce monde hirsute et tout boursouflé de suffisances et d'affectations. D'ailleurs je vous suggèrerais presque de lancer une revue littéraire et de la nommer ainsi: 'Calvitie, Art Removal'...

[Rédigé par : mouton]

"l'agronome Dufumier" c'est volontaire comme jeu de mollets?

[Rédigé par : anthropopotame]

Mouton, non ce n'est pas un jeu de mot. Le film est truffé de patronymes bizarrement reliés à leur objet...
Silvère, vous me froissez! La calvitie n'est pas un non-sujet! Au contraire, c'est un sujet très grave, que j'aurais dû placer dans une catégorie telle que "Humanité et Biodiversité" (en considérant que les chauves forment une sous-espèce particulièrement adaptée à certaines conditions).

[Rédigé par : Silvère]

Ah désolé! Je suis maladroit... Mais ce n'était pas un non-commentaire, je suis très sérieux, grave comme vous savez. Puis vous n'êtes même pas chauve, cessez de feindre. J'ai trouvé, si mes souvenirs sont justes, que vous aviez un front étonnamment vaste. Celui des êtres d'esprit, et d'érudition, assurément... M'enfin c'est vrai que vous êtes plus grand que moi. Même assis vous l'étiez...
A propos des chroniqueurs de C+ et d'ailleurs je songe à un aphorisme D'Ylipe: "On se ferait aux uns, s'il n'y avait pas les autres". Malheureusement, ils sont bel et bien tous là...

[Rédigé par : bergere]

Ben c'est mal barré. Il paraitrait que l'Europe ne veut plus miser sur une agriculture nourricière mais sur une agriculture décorative. Je me tue à expliquer à Dr Mouton que c'est une ineptie de la plus belle espèce. Mais il continue à méjuger ma clairvoyance

[Rédigé par : anthropopotame]

Silvère, vous parlez de non-vie, vous savez ce que j'en pense, et ce que je ferais si j'étais vous: une vie vous attend qui n'est pas la vôtre...