La vie d'un chercheur oscille entre deux pôles: le principe de réalité, et le principe de fiction.
Selon le principe de réalité, le chercheur, parfaitement médiocre, publie des articles médiocres, des compte-rendus médiocres, fait des communications médiocres, trois domaines où j'excelle avec constance voire ténacité. Médiocre, entendons-nous, non parce que tout cela serait foncièrement mauvais, mais juste un petit produit de plus dans un rayon de supermarché. Rien de percutant, rien d'innovant, des concepts resucés. Médiocre, donc, au sens où l'entendaient les Latins, qui opposaient la médiocrité à la grandiloquence ou à l'épique, d'un côté, et de l'autre au bucolique.
Selon le principe de fiction, votre serviteur est un véritable petit Mermoz, à défaut d'être un Galilée. Affrontant des pics déchiquetés, passant des cols impénétrables, marchant toujours pour ne pas geler, il dispense son message et ses innovations tel un pilote de l'Aéropostale délivrant en temps et heure des cartes urgentissimes: "On est bien arrivés à Valparaiso, pichoupichous!" "Cette plage magnifique, ça ne vous rend pas jaloux? Hihi, ici on oublie le bureau".
C'est bien entendu grâce au principe de fiction qu'un chercheur s'entête à chercher, à écrire. C'est ce qui rend notre profession si touchante, considérée de l'extérieur.
Et quand, l'âge venant, la reconnaissance tant attendue persiste à miroiter dans le lointain horizon, eh bien, c'est le temps où le chercheur a gagné enfin quelque sagesse et aspire à une retraite méritée.
Si cela peut vous consoler, vous faites la joie de lecteurs encore plus médiocres que vous,ce qui est mon cas ;j'aime beaucoup vos billets.
Vive les chercheurs médiocres!
Rédigé par : supermédiocre | samedi 15 mai 2010 à 20:31
Merci :)
Rédigé par : anthropopotame | samedi 15 mai 2010 à 20:45
Ce billet me fait davantage penser à Frédéric Moreau...
Il me semble toutefois que votre oscillation entre rêve et réalité n'est pas le propre du chercheur, mais de tout être humain - c'est un peu une facilité d'idéaliste de croire que ses compagnons d'espèce sont de vulgaires matérialistes.
Rédigé par : Bardamu | dimanche 16 mai 2010 à 14:50
Certes, Bardamu, mais il se trouve que c'est moi, et non vous, qui ai écrit cette note.
Rédigé par : anthropopotame | dimanche 16 mai 2010 à 16:41