14 juin, arrivé à 8h. Dans l’étable d’engraissement, Jérôme et Cyril – leurs parents sont en vacances au sud de Toulouse. Quatre taurillons vont passer à la casserole, et une vache pour consommation personnelle. Les taurillons sont si dodus qu’ils rebondissent les uns contre les autres : « on ne peut plus les garder, ils commencent à se battre, et l’un d’entre eux leur sert de souffre douleur ». La vache, elle, a subi une césarienne. Il arrive un moment où les vaches à l’engraissement ne peuvent plus rien avaler, tant elles sont grosses (je crois que ces vaches font du muscle bien plus que du gras). Jérôme prédit du beau temps pour demain (je suis formel).
A 8h30, j’arrive dans le champ B. Elles sont nerveuses à cause des veaux dans le champ situé au-delà du A. Cristina meugle, Basilic appelle. On se répond de champ à champ.
Longue session de reconnaissance ce matin. Je me suis placé au milieu d’elles, les ai laissées me flairer longuement. Elles soupirent bruyamment. L’accouchement est proche, on les sent irritées, inquiètes. Je les caresse mais elles s’éloignent aussitôt, se poussent mutuellement. Marcia se tient devant moi, agitée, renifle le cahier (j’écris debout). Elles ne mangent ni ne ruminent, elles se tiennent proches les unes des autres autour des abreuvoirs, Basilic fait son inspection. Elles forment un groupe compact comme un banc de poisson, et tournent à l’intérieur dans le sens des aiguilles d’une montre, Basilic servant de pivot.
8h45, apaisées, elles commencent à ruminer, assumant un air tranquille.
A 8h50, le groupe ne s’est pas défait, seule Marcia s’est éloignée. Je m’approche de Basilic, pour voir si cela provoquera l’ébranlement du troupeau. Dès qu’une vache appelle dans un autre champ, Basilic s’émeut, se précipite, gratte le sol et meugle à petits coups. Là c’est dans le champ d’en face : Mouuuuuârrrh… Mouuuuuââârrrgh.
Je me prends pas mal de coups de queue au passage.
A 9h, Basilic réintègre le centre du troupeau. Elles sont à touche-touche, tête-bêche. Cristina laisse reposer sa tête quelques instants sur le flanc de Yasmina. Elle n’est pas coutumière du fait. Madalena rumine à 20cm de moi ; je m’accroupis pour vérifier si elle me donnera un coup de corne, mais non, elle mâchouille tout près de mon oreille, paisiblement, son museau presque posé contre ma joue.
Yasmina soudain fonce sur Laura, à trois mètres plus loin, puis mange au seau les sels minéraux.
Je rejoins Lucinda à l’extrémité du troupeau, avec Sarah. Voilà longtemps qu’elles ne s’étaient pas manifestées. Sarah est d’un beige affirmé, assez menue. Je ne reconnais plus Lucinda, elle semble plus claire que la première fois, quand elle me suivait partout.
A 9h15, fin de la pause méditative. Dans un bel alignement, suivant le chemin qu’elles ont tracées, elles se dirigent vers l’Est.
Sonia a
stoppé au milieu du chemin, son énorme ventre doit
A 9h25, tout le monde broute avec entrain, Sonia restant proche de Basilic. Quand il y a une bouse, l’herbe grandit tout autour puisqu’elles ne broutent pas à proximité.
Seule Carla semble vouloir manger l’herbe haute, les autres préfèrent l’’herbe rase, déjà broutée et rebroutée.
Madalena a eu une inspiration : à 8m de moi, elle me dévisage, s’arrêtant de brouter, parcourt 4m, penche la tête vers une touffe appétissante, puis encore 4m d’un pas léger pour me renifler quelques secondes, puis passe son chemin, et va brouter 5m plus loin.
A 9h35, elles forment un vaste arc de cercle du Nord au Sud, certaines à l’Est, tournées face au Nord, d’autres orientées vers l’Ouest.
Parenthèse : il y a manifestement des moments de congrégation et d’échange collectif. Ce matin c’était impressionnant de les voir regroupées, communiquant de champ à champ.
Je suis allé m’asseoir près d’Eva broutant, mais elles sont très mobiles. Sarah plaque son museau contre le mien, au passage. Il se passe quelque chose de fort entre nous deux. Eva, quant à elle, sélectionne les brins d’herbe entre les ajoncs. Son pis est bizarrement conformé : multiples petits tétons à l’arrière, un très long téton à l’avant.
A 9h45, elles continuent de brouter, formant des groupes de 3 ou 4 qui se défont rapidement. C’est décidément le grand amour entre Sarah et moi, elle me revient toujours ! Je vois qu’elle stocke l’herbe dans sa bouche, elle broute sans avaler, stockant l’herbe dans joue qui finit par déborder.
Très surprenant : selon l’angle d’où on les regarde, elles semblent tassée ou élancées, rondes ou fines.
Alexandra, isolée au sud, rejoint le gros du troupeau en faisant un détour par moi. Quand elles se retrouvent l’une en face de l’autre, elles dévient légèrement de leur parcours, tout en continuant de brouter. Il y a vraiment un côté aléatoire dans leurs déplacements, et quand l’herbe est haute c’est encore plus évident. Elles produisent en tous cas d’énormes quantités de salive.
10h10 Marcia renifle le pénis de Basilic puis lui donne un
coup de front sur
L’histoire des coups de corne mérite réflexion ; parfois c’est vraiment de l’agression (comme Yasmina sur Laura tout à l’heure) et l’on se demande s’il s’agit d’acte spontané ou de représailles. Mais le plus souvent, il n’y a aucune agressivité, juste une forme de contact ou un moyen de se gratter le front. D’autre part, je suis incapable de déterminer la moindre hiérarchie, après deux mois d’observation. Au bout d’une semaine, j’aurais pu établir un classement, mais aujourd’hui c’est impossible. Plus tard, je verrai une jeunette donner un franc coup de corne à Sonia…
En fait, je les trouble tout de même un peu. Elles m’entourent et soufflent, me respirent le front, lèchent mon pantalon. Je suis au milieu d’elles. Après Julia, Alexandra et Manuela, c’est Cristina puis Carla qui viennent me voir (Carla très beau visage bien dessiné, aux couleurs contrastées). Cristina se tient debout derrière moi, me surplombant, je suis le mouvement de l’ombre de sa tête. Je ne suis pas inquiet de la savoir ainsi derrière moi, j’ai confiance en elle. Je lui tends la main, elle recule en soufflant. Ses paupières sont gonflées et irritées.
10h30. Ca y est, Sarah est couchée. Les autres devraient suivre. Cristina reste à deux mètres de moi, troublée. Sonia, par exemple, ou Luisa, ne sont jamais venues me voir. Leur curiosité s’est-elle émoussée avec l’âge ? Sans doute leurs conditions de détention sont-elles abrutissantes. Sonia finit tout de même, passant près de moi, par renifler mon sac.
Elles se tiennent toujours dans le quart Nord Ouest du champ.
Pause méditative de Manuela et de Julia (photo). Il y a une phase de transition entre broutage et rumination, qui les fait rester debout, pensives.
A 10h40, c’est Madalena qui donne le signal du couchage. Elles se sont regroupées jusqu’à 7 les unes à côté des autres, Maria venant compléter le triangle dont la pointe est orientée vers moi, à 1,50m de là. Il y a Laura, Julia, Eva, Alexandra, Manuela, Maria et Yasmina. Madalena est repartie, Laura a été chassée par Marta qui lui a signalé son intention à 3m de là. Pourquoi ?
Enfin le calme règne dans le petit groupe. Maria me regarde sans discontinuer. Elles poussent de gros soupirs, ruminent paisiblement, Maria soufflant par les naseaux (pour écarter les mouches ?). Petites gouttes de pluie.
J’ai filmé Maria ruminant pour qu’on entende son souffle et ses petits geignements. Le vent se lève et amène la pluie.
Julia file le train à Cristina et lui balance un coup de tête dans les fesses. Julia est mal lunée aujourd’hui. Puis c’est au tour de Marcia et de Marta de subir sa mauvaise humeur.
Il commence à pleuvoir des cordes, je me rentre.
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