Faisant l'inventaire de mes qualités, en vue de mes candidatures au CNRS, je me suis aperçu que j'en avais beaucoup. Un bilan de compétences par dessus cela et banco: ma nouvelle carrière se fera dans la sociologie des sciences.
J'ai bien des atouts.
J'apprécie en effet cette position d'où l'on surplombe les autres sciences, d'où l'on peut examiner les collègues à la loupe ou mieux encore, se focaliser sur quelque détail, comme la couture d'un bouton, une mal assortie chaussette, une attitude à la cafèt.
J'épluche ma correspondance et relève, de-ci delà, quelque travers, une présomption bonhomme, une angoisse face à la portée de telle découverte. De celle-ci, je n'ai que faire, n'ayant pas les compétences pour en juger.
J'aime à créer des mondes imaginaires, faits d'atomes et de débats publics, mais quant à y voir de plus près, quant à percevoir le poids respectif de chaque entité considérée, quant à établir la distinction entre ce qui pèse et ce qui n'est là que pour l'artifice, l'équilibre de la comparaison, eh bien j'estime qu'il ne faut pas trop m'en demander. Contentons-nous de métaphores.
J'aime évacuer toute dimension dramatique aux enjeux de sociétés, les réduisant à n'être que des objets de discours et de négociation. La portée du réchauffement climatique, de l'extinction massive des espèces, tout cela se dégonfle comme une baudruche lorsque mon stylet le réduit à n'être qu'un relent d'officine, un lieu de tractation.
Avec ma suffisance de bon aloi, je sais écarter toute contestation, avec cette aisance dont Freud faisait montre envers ses opposants: toute critique était issue d'un refoulement.
Le post-modernisme annonçait la mort du sujet. Avec la sociologie des sciences, c'est la mort de l'objet scientifique en tant que tel qui est en passe d'être obtenue.
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