Dans le train bondé et qui avait quarante minutes de retard, les voyageurs montés aux Portes du Paradis ronchonnaient pour récupérer leurs places. J'ai délogé une voyageuse expansive, qui s'en fut s'asseoir dans le couloir. A côté, un homme fit de même avec un voyageur du Sud Ouest. Celui-ci, sans agressivité aucune, voulut récupérer sa place, située en arrière. L'homme assis là répondit: "pas question que je voyage debout". Il ne protesta pas, mais, tout bonhomme, s'en alla avec les autres exclus.
Ses amis riaient, l'interpellaient : à l'entrée du wagon il avait déjà engagé la conversation.
Les deux amis, restés assis, invitèrent le nouveau-venu à jouer à la belote. Régulièrement, ils ouvraient la porte du compartiment pour savoir ce que les voyageurs entassés se racontaient. Ils parlaient d'Afrique et de mariages brisés. Une Tchadienne raconta sa vie, et comment, à soixante ans, son mari l'avait laissée pour une plus jeune. Le Toulousain lui disait "c'est bien normal". Il le disait gentiment, avec beaucoup de chaleur. Les femmes présentes firent mine de l'expulser. Ses amis offrirent alors une tournée de bières.
Ils avaient une quarantaine d'année, ils étaient à la fois présents, parlant fort, et aimables. J'ai apprécié ces trois hommes qui avaient bourlingué. Ils tranchaient avec notre agressivité à tous, comme si la fatigue, sur eux, n'avait pas de prise.
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