Cette question, contrairement à l'opinion commune, est d'actualité. Car la réponse à cette question agite la communauté scientifique. Une réponse possible est que la disparition des mégafaunes continentales est due à des changements climatiques, voire à la chute d'une météorite il y a dix mille ans.
Récapitulons: entre - 50000 et - 40000 disparaît la mégafaune australienne (varan géant, wombat géant, kangourou géant, lion marsupial...).
Il y a 10000 ans, c'est au tour de la mégafaune américaine (camélidés, chevaux, bison priscus, mammouths, mastodontes, tigres à dents en sabre, ours à nez court, canis dirus)
Vers la même époque, disparaît également la faune européenne (mammouth, rhinocéros laineux, chevaux, hyène des cavernes, lion des cavernes, ours des cavernes...)
Dans la mesure où les mégafaunes insulaires ont toutes disparu à l'arrivée de l'homme (moas, oiseaux éléphants, éléphants nains, hippopotames nains de Madagascar, Nouvelle Zélande, Sicile, Sardaigne) entre - 6000 et - 1000 ans, la responsabilité des migrations humaines est évidemment en cause.
Or le débat n'est pas clos malgré l'étonnante coïncidence d'une disparition régulièrement associée à l'arrivée des premiers hommes.
Les contre-arguments portent évidemment sur le réchauffement climatique (pour l'Europe et l'Amérique) ou l'instauration d'un climat plus sec (invoqué pour l'Australie ou l'Amérique du Sud). Les études menées en Europe montrent que la steppe à mammouth a reculé régulièrement, laissant place à des forêts de conifères, les derniers mammouths trouvant refuge sur l'île Wrandel, pour finalement s'éteindre il y a 3000 ans.
Pour l'Amérique, le recul de la steppe est associée à une recrudescence de feux de prairie liés à l'assèchement du climat. La chute d'une météorite serait venue porter le coup de grâce à ces grosses bêtes déclinantes qui vaguaient par millions dans l'hémisphère nord.
L'homme étant ainsi dédouané, notre espèce n'a plus qu'à résoudre un problème ponctuel: comment faire face à l'extinction massive d'espèces que nous connaissons actuellement?
Or le problème n'est pas ponctuel. Les migrations d'Homo sapiens ont bel et bien provoqué des extinctions de masse, ce que les humains précédents (H. erectus et neanderthalensis) n'étaient pas parvenu à faire. En s'en prenant à la mégafaune, les hommes modernes ont bouleversé les écosystèmes anciens. Car la mégafaune crée les paysages dans lesquels elle évolue: les steppes et les prairies sont entretenues par elle. On a pris pour des causes ce qui était une conséquence des extinctions.
Ce qui est frappant est la vigueur avec laquelle on entend défendre le changement climatique ancien et la chute d'une météorite, comme si le passé de notre espèce devait répondre à une forme d'idéal. Il nous en coûte de penser que nous avons commis des boulettes dès notre sortie d'Afrique, il y a 100000 ans. Si nous sommes innocents des disparitions anciennes, notre responsabilité contemporaine peut être atténuée; on peut invoquer le "bruit de fond" des extinctions, expliquer que les disparitions de masse n'empêchent nullement la résilience du système planétaire.
Mais si nous sommes responsables, alors il nous faut affronter la fatalité de nos tendances destructrices : nous sommes voués à exterminer ce qui nous entoure, jamais nous ne tirerons aucune leçon.
Voir: Christopher Johnson, 2009, Megafaunal Decline and Fall, DOI: 10.1126/science.1182770 Science 326, 1072 (2009)
Bonjour,
autant que nos tendances destructrices, j'invoquerais nos tendances protectrices, envers nous-mêmes, bien naturelles.
Tendances qui ont conduit à toujours mieux éviter nos prédateurs, le froid, les saisons, jusqu'à aujourd'hui. Cela a conduit sans doute à vivre plus nombreux dans un premier temps, plus plus vieux et plus nombreux ensuite.
En tout cas merci pour vos billets, en particulier "Blondes d'Aquitaine: essai de zooanthropologie" pour les derniers d'entre eux.
Rédigé par : nonos | samedi 24 sep 2011 à 18:52