Travaillé hier dans le jardin. Coupé les herbes hautes que j'avais laissées pour les papillons. La débroussailleuse peinait parmi les tiges empilées, déjà pourrissantes. Il faut avancer à petits pas de dix centimètres, verser sur le côté la partie coupée, ne pas faire de mouvements aléatoires sous peine de tuer une grenouille ou un orvet.
Après quatre heures de travail, je rentre, allume le feu. J'essaye de terminer un rapport mais j'ai mille choses en tête. Ces choses se muent la nuit en rêves épuisants: tout ce que je dois rendre ou faire devient un Powerpoint projeté dans mon crâne. Je lis la vie d'Alexandre le Grand de Droysen pour m'endormir et le contraste est tout sauf vivifiant.
Le matin, réveillé par le chat qui miaule ou se gratte tout contre mon oreille, je descends, salue Sarah qui attend au bas des escaliers, et qui se relève, faisant osciller son corps en forme de barrique à babord, à tribord - ses jambes la portent à peine - jusqu'au seuil où elle se poste en remuant la queue.
Elle n'a pas tenu toute la nuit, il y avait dans la cuisine une grande flaque de pipi. Essuyer, aller chercher du petit bois et des bûches, donner à manger au chat, ouvrir les volets. C'est enfin l'heure de préparer mon café.
Une vie de minuscules devoirs. Si j'avais des poules, ou des lapins, si j'étais éleveur, le sentiment de mes responsabilités finirait par devenir écrasant.
Mais notre communauté tient bon. Une caresse au chat, une caresse au chien. Sarah veille à l'équité, je ne puis passer trop de temps avec le chat. Elle fait mine d'ignorer sa présence, grogne un peu quand il s'approche, se tourne vers moi chaque fois que le chat tourne trop de son assiette: "Tu vois, me dit-elle, je pourrais lui donner un coup de dent mais je ne le fais pas".
Le chat, quant à lui, est fasciné par la grosse Sarah, de plus en plus semblable à un ours à mesure qu'elle s'affaisse, devenant plantigrade. Il l'observe avec passion, ne perd aucune occasion de s'approcher, la flairer, il lève la patte quand elle réagit, il l'accompagne à petits bonds, toujours à bonne distance. Il est plus curieux d'elle qu'elle de lui.
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