Jour 2 : Petite expédition à Paseo Colon pour renouveler un passeport. Comme je n’avais pas le droit d’entrer je suis allé dans un café pour lire el Clarin. Rien de tel que la page des faits-divers pour comprendre un pays : tous diffèrent par les crimes qu’on y commet. Hier, l’assassin d’une jeune fille allait épouser sa sœur jumelle en prison. Le père des jumelles : une de mes filles est avec Dieu, et l’autre avec le Diable.
Puis nous avons remonté l’avenue de Mayo pour prendre un verre au Café Tortoni. Un touriste américain en short posait sa sandale sur l’antique chaise. On les reconnaît à leurs bermudas – nouveaux Vandales à appareils photo. J’ai pensé que le tourisme s’apparentait à du vampirisme. Prenez un lieu chargé de mémoire : ils y viendront en masse, levée par levée, et à force de photos, d’air niais et d’incompétence linguistique ils suceront tout ce qu’il pouvait y avoir de spiritualité dans un lieu. Celui-ci demeure exsangue, cheveux poussiéreux, à l’image de la statue de Borges qui pourrissait dans un coin.
Les Argentins, eux, se promènent en pantalon long, chaussures cirées et bras de chemise. On est frappé de voir, comme à Lisbonne, qu’ils continuent de travailler à 70 ans. Serveurs dans les bars, vendeurs de journaux, fabricants de clés, tous sont chenus, on finit donc par se sentir jeune, ici.
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