Me promenant hier boulevard Blanqui, j'ai essayé d'imaginer la scène suivante: plutôt que des passants, avec poussette ou chariot à provision, des gens courant, hurlant, munis de barres, de haches ou de machettes. Des groupes spontanément constitués attrapent les femmes par les cheveux, leur fendent le crâne, écrasent l'enfant à coup de talons. Des hommes sont éventrés dans les entrées d'immeuble. Et ainsi de pâté de maison en pâté de maison.
Ce que nous appelons génocide - ou massacre de masse - est beaucoup plus récurrent qu'on ne pense. Lorsqu'il est localisé ( à l'échelle d'une ville par exemple) on n'en parle guère. Lorsque moins de cent personnes sont concernées non plus.
Et pourtant, du jour au lendemain, des gens qui jusqu'ici coexistaient vaille que vaille se muent en ennemis. Ou plus précisément, une frange de population se mue en ennemie de l'autre, qui n'y peut mais.
On sous-estime le pouvoir de la haine. On pense qu'il faut des circonstances exceptionnelles (une volonté d'Etat par exemple). Mais les humains portent en eux une haine latente, faite d'humiliations ravalées, ou plus souvent, de frustrations. Untel était secrétaire, le voilà émir faisant couper des têtes.
Violer, massacrer, frapper la tête des enfants contre des arbres jusqu'à ce qu'elle éclate - on pense au génocide arménien ou rwandais, ou à l'holocauste. Mais ces explosions de violence parsèment l'histoire de l'humanité. L'expulsion des Juifs d'Espagne: convertis de force traînés sur le sol par les pieds, expulsés ventre ouvert pour rechercher l'or qu'on y aurait caché.
Et la nuit de la Saint Barthélémy, bien sûr, l'un des premiers massacres planifiés sous le sceau du secret, qui devait, en une nuit, résoudre la question de la Réforme en France. La haine est une forme de politique. On peut ouvrir les vannes et la populace fait le reste. Puis on ferme la parenthèse et voilà que nous reprenons une vie normale.
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