C'est un fait connu de la science : la deuxième guerre d'Irak et le renversement de Saddam Hussein ont aggravé l'instabilité de la région, produit de multiples déplacements de population, et ont bien entendu donné naissance à l'Etat Islamique, s'appuyant sur les cadres réformés de l'armée irakienne que les Américains ont eu la bonne idée de dissoudre.
Cela, et la situation dramatique en Syrie, et ses répercussions au Liban, et la sempiternelle relégation de l'occupation des territoires palestiniens, amène de nombreux blogueurs et commentateurs divers à ironiser sur les attentats de Paris. On brandit le silence entourant ceux de Beyrouth ou les bombardements voulus par Assad sur son propre peuple, comme preuve de l'indifférence "occidentale".
De note en note, de post en post, on n'entend que des propos culpabilisateurs: n'est-il pas scandaleux de faire tout un plat pour 130 morts alors que les kamikazes font mieux ailleurs? Et les monuments du monde entier parés de tricolore, et cette Marseillaise entamée à tout bout de champ, n'est-ce pas une provocation face à la souffrance du monde arabe (toutes religions confondues)? Il est paradoxal que l'on nous balance en permanence le monde arabe à la figure précisément au moment où, par ici, on commence à oublier de faire l'amalgame entre Islam et malades mentaux.
Nous commençons également à oublier que ce n'est pas seulement George Bush qui a créé Daesch, mais aussi ceux-là qui ont fait du wahhabisme le nec plus ultra de la vie en société . Ce n'est pas la dernière encyclique du pape François ni le recueil de propos du chaman Davi Kopenawa Yanomami qu'ils brandissent.
On pourrait disserter sur ce nombrilisme qui fait que, même dans les rares pays où la cocotte-minute ne fait que siffler, on se fout éperdument du réchauffement climatique, de l'Ukraine, de la crise de 2008, de la faillite de la Grèce. Certes, on a d'autres chats à fouetter. Ce qui fait la fortune du Moyen Orient - le pétrole - fait aussi son malheur. Les multiples interventions étrangères n'auraient pas lieu si le monde ne cherchait pas à garantir son approvisionnement énergétique.
La manne pétrolière n'a pas précisément été utilisée à des fins sociales, ni environnementales. Pistes de ski à Dubaï, femmes claquemurées à Riyad, et financement abondant de mosquées wahhabite dans le monde entier, appui logistique, etc. Cela, nous le savons. Ce que nous avons plus de mal à comprendre, c'est le rapport établi de facto entre production pétrolière, et l'avidité qu'elle suscite, et réchauffement climatique. Le pétrole produit les guerres, l'insécurité, et bientôt 2, 3, 4, 5 ou 6° supplémentaires sur la planète. Le rôle actif des pays pétroliers dans le torpillage des négociations sur le climat tranche avec leur apparente passivité face aux monstres qu'ils ont produit.
Mais la dernière chose, certes secondaire par rapport au bousillage de la planète, est qu'on ne se pose pas la question du: pourquoi? Pourquoi l'invasion américaine de l'Irak et de l'Afghanistan produisent-elles des flambées terroristes? Pourquoi des massacres de shiites, de chrétiens yézidis, des attentats partout, pourquoi des dictateurs choisissent-ils de gazer leur propre peuple plutôt que d'organiser des élections? C'est comme si finalement toute déstabilisation du Moyen Orient ne servait qu'à libérer de la haine. Mais cette haine, est-elle apparue soudainement? Ce que nous découvrons chaque jour, ce sont des actions motivées par la haine. La haine de l'envahisseur ne serait rien, et serait même normale, s'il n'y avait également de la haine pour le voisin, pour les mécréants qui sont à peu près tout le monde sauf soi.
Les commentateurs, tout de rage contenue, semblent assumer le déterminisme et la fatalité de cette haine, comme si au fond gouverner un pays consistait à maintenir les haines en état d'équilibre, ou à l'exporter dans les pays voisins. On a pourtant quelques exemples de pays envahis qui, une fois libérés, se reconstruisent dans la paix et dans les concessions mutuelles, qui font même la paix avec leurs envahisseurs, et qui créent par la suite plus de justice sociale, plus de sécurité, et créent finalement des conditions pour que cette paix soit durable. Certes, parmi ces enfants de chœur, ces chiens de démocrates mécréants, certains chantaient la Marseillaise.
Outre la Marseillaise, la Révolution française a donné naissance à deux choses: les Droits de l'Homme, et la Guillotine. Le libre arbitre consiste à pouvoir choisir entre l'un ou l'autre. Manifestement ceux qui ont créé l'Etat Islamique, avant même que celui-ci ne soit créé, avaient déjà fait leur choix.
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