Une nouvelle catégorie fait son apparition dans ce blog : "arnaques et entourloupes", c'est-à-dire toutes les petites et moyennes escroqueries que nous subissons au quotidien, de la part de plombiers, électriciens, fournisseurs d'accès, établissements bancaires, etc.
En ouvrant ce débat, je pose un constat : si l'on vous escroque de moins de 10 000 euros, vous êtes sans recours, même si cette somme représente la totalité de votre revenu annuel. Oh, bien sûr, vous pourriez théoriquement vous adresser à un avocat, à la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, au commissaire à la concurrence siégeant à Bruxelles. Mais si un plombier vous escroque sur le prix d'un robinet (3 euros facturés 85 euros), d'un chauffe-eau (800 euros facturés 2000 euros), combien de temps, de timbres, d'appels téléphoniques allez-vous dépenser ? Ferez-vous appel à un huissier (900 euros) ? Si un entrepreneur change de département après avoir laissé en plan un chantier de 8000 euros, allez-vous engager une poursuite en payant 800 euros de l'acte, surtout si l'avocat, parfaitement conscient de la vanité d'une telle démarche, vous encourage à persévérer ?
Si une banque vous fait miroiter un taux de crédit immobilier aligné sur la concurrence, vous garantit verbalement que l'accord est acquis, vous parle de confiance nécessaire, puis conserve votre dossier de manière à ce que vous ne puissiez vous retourner, pour enfin vous imposer un taux supérieur à celui du marché, et aux pires conditions, à qui allez-vous vous adresser ?
Nulle trace, aucune preuve : les petits délinquants ne se trouvent pas dans le 9-3, ils se trouvent dans des bureaux et portent cravate, dans des ateliers et portent salopettes.
10 000 euros : nombre d'or. En dessous de ce chiffre, faites une croix sur la réparation du préjudice. Les escrocs en cols bleu et blanc le connaissent. Ils savent que vos expériences précédentes vous ont édifié. Ils tablent avec raison sur le fait qu'un citoyen normal est filouté au moins une fois par an. Peut-être ont-ils un site internet spécialement dédié : il est plus aisé d'escroquer une vieille dame déjà essorée, car elle connaît la vanité des recours, elle sait à présent qu'elle est à la merci des voyous qui lui ont juré, la main sur le coeur, que la tuyauterie doit être changée, qu'il faut louer une nacelle pour nettoyer la gouttière, que le paiement d'avance de la totalité des travaux est nécessaire à l'achat du matériel, etc. Et plus la personne ainsi arnaquée a des moyens modestes, plus son impuissance est acquise.
Que reste-t-il alors ? Une association de consommateur ? Il est vrai que ces associations comptent des membres dévoués qui rédigent des courriers, engagent des procès collectifs, mais ce faisant elles ne peuvent apaiser le sentiment d'humiliation, de rage impuissante face à la caste des banquiers, artisans et commerçants qui à ce jour n'a pas fait le ménage dans ses rangs.
L'atout suprême, l'allié par excellence des voyous ayant pignon sur rue est la loi. Prononcez publiquement le nom de l'artisan, de l'entreprise, du conseiller, et celui-ci vous collera un procès en diffamation. La diffamation, en effet, ne consiste pas en porter de fausses accusations contre quelqu'un, mais en le fait de rendre public un fait, même avéré, susceptible de porter atteinte à son honneur ou à l'exercice de ses fonctions. Dites publiquement le nom de l'entreprise de plomberie qui facture 900 euros HT un accessoire qui en coûte 450 TTC, applique le tarif de nuit pour des interventions de jour, et cette entreprise pourra se retourner contre vous. Evoquez en passant le nom de la banque qui vous a trompé, nommez le conseiller et le directeur d'agence qui vous faisaient les gros yeux lorsque vous demandiez un engagement écrit, et l'établissement vous poursuivra en diffamation.
La répression est féroce contre les pickpockets. On vole votre porte-monnaie : le préjudice subi s'élève à 10, 20, 60 euros. La BAC intervient, et voilà votre voleur plaqué contre un capot de voiture, bras tordu, placé en garde à vue. L'électricien, le serrurier qui siphonne les économies d'un retraité peut dormir tranquille : la police garantit la sécurité de ses biens et de sa personne. Le fournisseur d'accès qui impose à une dame de 85 ans le débit illimité et un téléphone qui ne marche pas peut rassurer ses actionnaires. La banque qui escroque un jeune couple désireux de commencer une vie ensemble peut se fier à ses alarmes et à ses coffres-forts.
Mais il existe un moyen simple d'obtenir que les entreprises en question annoncent leurs pratiques : il s'agit de la règle n°1 du code de la consommation, le devoir d'information. Au nom de ce principe, une banque qui emploie des procédés malhonnêtes a le devoir d'en informer ses clients, un plombier qui facture des prix exorbitants doit le signaler à ceux qui font appel à lui. C'est au nom de ce principe que nous inciterons désormais les établissements visés à compléter leur profil.
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