"De la rivière Ipiranga les berges placides..." Ainsi débute l'hymne national brésilien que j'entends tous les matins depuis une semaine. L'école se prépare à célébrer le 7 septembre, jour de l'Indépendance. Tous les matins, à sept heures, on pose sur perron de l'école un haut parleur et un ampli, et l'hymne est chanté en choeur, le drapeau est levé. Tous les soirs, un peu avant le coucher du soleil, a lieu la répétition du défilé:
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La question est de savoir s'il s'agit d'une obligation scolaire ou si le village va participer. Roberto, directeur de l'école, a exprimé ses doutes à ce sujet lors d'une réunion du conseil. Il était mal à l'aise, se retournait sur sa chaise, et dans sa voix pointait de l'amertume (j'apprendrai plus tard que son malaise venait de la présence de Paulo Silva, qui veut placer sa soeur à la place de Roberto). Comme l'école de Kumarumã est une école indigène, bénéficiant d'un enseignement différencié, elle n'a pas obligation de célébrer les fêtes nationales, si ce n'est le Jour de l'Indien (19 avril). Mais à présent, les élèves ont pris goût aux défilés, à l'orphéon et aux grosses caisses, et on ne peut plus annuler.
Le défilé a lieu, donc, le jour dit. Il est constitué de différents cortèges: la communauté, bien sûr, mais aussi l'armée, la FUNAI, les agents de santé, et l'école (tous les rôles sont tenus par les élèves de l'école). J'ignore pourquoi l'armée prend une telle place - sans doute parce que les défilants apprécient l'uniforme:
Le défilé dure toute la matinée, parcourant en tous sens la rue principale quasi déserte. Puis viennent les discours: le cacique, bien sûr (il en profite pour appeler les hommes valides à décharger le fioul qui attend sur le bateau), le directeur de l'école (Roberto, habillé en soldat), puis Coaraci, en tant que représentant de la FUNAI, et le secrétaire de l'école, Nestor, le seul blanc résidant au village. Surprise: tant Coaraci que Nestor se lancent dans un vibrant appel aux parents, qui brillent par leur absence. Nestor va même plus loin: "Quand il s'agit de la Sainte Marie, personne ne manque à l'appel. Mais s'agissant d'une fête nationale, qui doit unir tous les Brésiliens, on dirait que les parents ont trouvé plus urgent d'aller aux champs... Merci, les gars!"
Catastrophe. Personne ne répond, on hausse les épaules, les enfants se dispersent et bientôt ne reste plus personne. Il est midi. Aucune fête en vue, si ce n'est l'habituelle beuverie que le défilé, paradoxalement, a retardée. Le conseiller Felizardo n'a pas cru bon de se déplacer, Coaraci est indigné. Auprès de moi, il se confie: "Il n'y a aucune solidarité, aucune reconnaissance, ici c'est chacun pour soi." Je le crois sur parole. Sur les bords de l'Ipiranga, nous avions pendu nos lyres...
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