Il ne faudrait pas prendre les bobos pour des enfants de choeur. (NB para os brasileiros : "bobo" em francês quer dizer "burguês boêmio", não confundam !)
Certains, malheureusement, se laissent aller, abusés sans doute par des études de marché mal faites, et cela nous donne "Smoothie innocent", des "fruits à boire". Dans la lignée de Michel & Augustin, fabriquants de biscuits et yaourts (image ci-contre), nous avons donc ceci : un mélange d'açai, de grenade, de myrtille, de banane en purée, présenté sous forme complice, bourré de clins d'oeil à je ne sais quoi:
"Nous vous promettons que tout ce qui est innocent sera toujours beau, bon et vous fera du bien: pas de concentré, pas d'additif bizarre, (...) pas de E machin-chose, et en plus on ne trichera jamais au Monopoly". (Car le bobo qui s'ennuie joue au Monopoly, ou au Scrabble, ou fait un puzzle)
Les bananes sont certifiées Rainforest (mais pas l'açai ?) "qui profite au développement de l'écosystème local et favorise la diversité biologique. Nous, on les adore".
C'est tendance, en effet de vouloir "sauver la planète" en favorisant à la fois le brave paysan certifié et la grenouille brevetée. Je ne sais si être bobo signifie être débile, avoir un univers limité au boulot et aux best-of de Casimir et Goldorak. Je ne sais si le bobo privilégie réellement les chips de pomme de terre violette à la fleur de sel et aux cinq poivres moulus par des jeunes filles vierges. Peut-être que oui, au fond, sauf que nos jeunes filles vierges à nous s'appellent FSC ou Max Havelaar ?
On nous propose de passer par la boutique afin de faire part "de nos derniers ragots" ou "papoter" quelques instants. Proximité ? Commerce local ? Favoriser le lien social ? Encourager l'emploi des jeunes rien qu'en buvant de la purée de fruit bourrée de vitamines ? Est-ce cela, la post-postmodernité, favoriser la multivalence du geste ? Sportif, concerné, sain, écolo, citoyen, votant bobo ?
L'alliance sacrée de l'ONG, de la multinationale et d'une classe sociale à la fois sybarite et entretenant un fond de mauvaise conscience envers la planète et et le monde - cela peut sembler amoral mais finalement le commerce équitable risque peut-être de nous mener à cela : un argument de vente à l'intention de ceux qui peuvent encore acheter. Pas d'objection à cela, après tout, si cela fait davantage de bien que les mégaplantations vaporisées d'insecticide. Ce qui me dérange, c'est le ton, ce côté "gens de bonne compagnie" qui s'encanaillent par un comportement enfantin. Je détesterais tout de même que mes gestes quotidiens et mes préoccupations en soient réduites à cela : trier ses ordures, c'est sympa et ça fait causer avec les voisins, aller à vélo, c'est trop cool et on va créer une ligne de vêtements biologiques pour vous qui pédalez. Consommer moins ou mieux est nécessaire. Voilà qu'on nous propose de consommer davantage en fonction de l'inutilité totale de tous nos gestes et de tous nos efforts. Le superflu certifié FSC, le superflu équitable, le superflu biologique : l'astuce du commerçant, quel qu'il soit, est de ramener toute préoccupation morale à une pulsion d'achat.
[mais finalement le commerce équitable risque peut-être de nous mener à cela : un argument de vente à l'intention de ceux qui peuvent encore acheter.]
mais c'est exactement cela! Et j'ajouterai : "qui crachent leur mépris à la gueule de ces Groseille qui, eux, n'ont pas les moyens d'acheter équitable et ce contentent par force des promotions de Lidl..."
Rédigé par : Benjamin | dimanche 27 avr 2008 à 17:04
Il n'y a pas dissonance entre les deux points de vue; juste des nuances.
Mais actuellement, nous avons chez nous des gens pour qui le choix n'est pas de "consommer mieux ou beaucoup" mais de... consommer tout court, et le strict nécessaire.
Je ne fais pas partie de ces gens, et sauf du côté des bouquins où là je ne compte pas (je pourrais: il y a une magnifique médiathèque près de chez moi, mais j'ai physiquement besoin de posséder un livre que je lirai ou que j'ai lu), je consomme à bon escient et je tente de ne pas acheter inutile: chez moi on ne mange jamais de fruits importés du Chili, par exemple, je n'ai pas de voiture, je lave la moitié au moins de mon linge à la main pour ne pas faire tourner la machine, l'industrie agro-alimentaire serait en faillite s'il n'y avait que des gens comme moi puisqu'à Meaux, je dois acheter dix conserves ou plats préparés par an, pas davantage (du coup, je n'achèterai jamais le produit dont tu parles)
Mais non: payer ma demi-livre de café "équitable" 1,50 euros de plus quand je n'ai aucune garantie qu'ils iront intégralement au producteur... c'est non! (ça ferait 75 euros par an de surcoût pour moi)
Le simple fait que 85% du "commerce équitable" se fait par les hypers qui esclavagisent leur personnel et leurs fournisseurs, ça suffit pour que je me méfie.
J'achète donc du café "capitaliste", mais je parraine une école brésilienne (24 élèves) que je fournis en matériel de base sur prescription de l'enseignant et de la communauté caboclo du bourg, sans déterminer ce qui est bon ou non pour eux. Il y a un côté "donneur de leçons auprès des indigènes" chez les gens qui cornaquent toutes ces actions, qui me révulse même quand le contenu de ces leçons est passable.
Rédigé par : Benjamin | dimanche 27 avr 2008 à 20:53
C'est tellement facile d'être "écolo-responsable" quand on a les moyens... que penser alors de tous ces gens (dans les pays pauvres, mais aussi en France et dans le monde occidental)qui ne peuvent pas consommer des produits bio ou équitables?
Cette propagande "écolo-responsable" commence à devenir du n'importe quoi.
Rédigé par : Carla Guerreiro | lundi 28 avr 2008 à 10:11
Mouais... Les pauvres, eux aussi, en ont marre d'être pauvres.
Rédigé par : Carla Guerreiro | lundi 28 avr 2008 à 10:30
Mais pour recentrer sur le commerce équitable (et pas sur les pauvres) tu n'es pas un peu d'accord sur le côté moraliste, paternaliste, donneur de leçons de pas mal de gens qui grenouillent là-dedans en toute bonne foi souvent, telle n'est pas la question?
Je l'ai vu, le fonctionnement d'une coopérative "équitable" avec ces occidentaux qui prétendait décider de la manière dont l'argent serait dépensée, selon leurs critères. Certes ce n'était pas la coercition qui était employée mais la "persuasion" et quand on a la tchatche, la rhétorique est une arme aussi déloyale que quand on a de gros muscles et qu'on les emploie contre un gringalet.
Maintenant, pardonne moi d'accorder une priorité au social sur le sociétal. Parce que si je ne suis pas pauvre, je l'ai été et je m'en rappelle.
Rédigé par : Benjamin | lundi 28 avr 2008 à 12:50