Petite femme rongée par le mercure, qui a tenu cinq ans face aux bons gros ministres de Brasilia, buvant des daïquiri autour du lac Paranoa, face à la "bancada ruralista", la travée de l'agrobusiness, pleine de bons gros cultivateurs de soja et éleveurs du Mato Grosso, la voilà, la dévoilà plutôt : Marina Silva a jeté la serviette.
La pression sur l'Amazonie était devenue telle, la "décomplexion" de ceux qui clamaient haut et fort qu'un arbre sur pied ne valait rien, a fini par l'emporter. Un pays ne peut lutter contre son héritage, contre sa tradition : le Brésil s'est construit sur le pillage des ressources, sur la recherche permanente du produit miracle qui soutiendrait l'économie dix ans, trente ans, jusqu'à ce que l'on en trouve un autre. Sa taille immense et sa situation unique lui a toujours permis de trouver quelque plante, quelque minerai que les autres ne possèdent pas. L'atavisme du front pionnier fait le reste : sucre, café, or, boeuf, aujourd'hui soja, fer, nickel.
A quoi bon cette paranoïa autour de la biodiversité brésilienne si ce qui intéresse le président Lula n'est pas la petite grenouille vénéneuse, mais le soja arrosé de pesticide ? A quoi bon des formations supérieures, des écoles d'ingénieurs, s'il s'agit juste, pour réussir dans la vie, de savoir recruter un chauffeur de moissonneuse ? On peut oublier sans peine que le Brésil possède une industrie de pointe, aéronautique, spatiale, médicale. Ce qui intéresse le Brésil, ce sont les plantations de soja et les retraités hollandais et norvégiens qui se font construire des baraques sur les plages du Nordeste. Le reste, on s'en moque.
Le plan "Amazonie durable" que défendait Marina, qui fut cautionné par la communauté internationale à cause de ce qu'elle représentait, comme femme proche de Chico Mendes, formée dans la lutte pour la défense des collecteurs de caoutchouc, proposait de ne plus dissocier l'environnemental du social. Pour cela, l'argent du PPG7, manne financière découlant de la conférence de Rio 92, destinée à la préservation de la forêt, fut reversé dans ce projet porté par la ministre. Et voilà que Lula nomme à la direction du projet l'un des plus ardents défenseurs du PAC, "plan d'accélération de la croissance". L'argent du G7 financera donc des routes et des turbines ? Une autre tradition brésilienne vient dès lors à l'esprit : non plus le bandeirante, mais le malandro : foulard autour du cou et sourire enchanteur.
Je n'ai pas ton pessimisme.
Je crois que "qui trop embrasse mal étreint" d'une part, et d'autre part que Marina Silva mènera son combat de l'extérieur avec plus de succès: elle a bien maintenu son soutien à Lula, estimant simplement qu'elle serait plus utile ailleurs que comme ministre (à son honneur: c'est si rare de renoncer à un maroquin pour des convictions...)
Rédigé par : Benjamin | vendredi 16 mai 2008 à 18:57