Dimanche, 6 juillet, vers 17h.
Arrivés à Ouro Preto do Oeste après trois heures de voiture environ. Notre Fiat Uno n'a pas de frein à main et la chape de protection du moteur touche le sol par intermittence.
Petite pause pour voir la retenue du barrage Samuel (deux à trois mètres de profondeur par endroit, sur cent kilomètres inondés, productivité proche de zéro) puis pour trouver de l’açai na tigela ('dans le bol') pour Philippe qui n’en a pas mangé avec nous hier.
Tout n’est que pâturage, herbe sèche, les noyers du Brésil protégés se dessèchent sur pied. Camions transportant du bétail, dans les deux sens, sur deux plateaux.
Conversation avec Philippe sur Diegues, l’auteur de « O mito da natureza intocada », sur ces gens qui sont persuadés que la nature n’est qu’une représentation, que l’Amazonie a été façonnée par l’homme, et autres bêtises de ce genre. La thèse de William Balée a provoqué des ravages en accréditant l'idée que la biodiversité était supérieure en zone anthropisée plutôt que non anthropisée (c'est vrai en termes relatifs mais pas en termes absolus, cf Jean-Denis Vigne à propos de la faune endémique de Corse). En extrapolant, cela donne "diversité biologique = diversité culturelle", ce qui permet à des pêcheurs illégaux en Amapa de revendiquer le fait qu'ils sont "une espèce menacée d'extinction".
Il m’explique que bien des économistes ne voient pas les choses sous l’angle d’une nécessité de préserver – il y a cette préoccupation du foncier, du fait de retirer du marché des km² d’aires protégées, autant d’obstacles au « développement ». Hystérie entretenue par les élites, véhiculée en permanence jusque chez les plus modestes : le monde a toujours pillé les richesses du Brésil, et la mobilisation internationale pour la défense de l’Amazonie est un complot visant à empêcher le pays de se développer pour atteindre le statut de grande puissance (comme si le Brésil avait besoin de l'étranger pour opérer des choix catastrophiques).
Notre hôtel s’appelle le Paganini, je me demande d’où il tire ce nom, mais il est assez agréable, bien que juste en face d’une énorme station d’essence. La ville d’Ouro Preto ne déroge pas à la règle qui veut que les villes amazoniennes se ressemblent toutes : alignement de baraques plus ou moins achevées bordant des rues poussiéreuses avec trois ou quatre flamboyants pour faire joli. A l'hôtel nous devrions retrouver une amie de Philippe, économiste, nommée Liz, puis rencontrer les dirigeants de l’APA, je ne sais si nous y parviendrons car ils doivent être échaudés par les accusations de détournement de fonds.
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