Et voilà: tout le monde est parti en vacances. Les bloggeurs amis ont déposé leurs widgets. La bonne boulangerie est fermée. Le bar du coin où officiaient deux nymphes a baissé son rideau - je ne les verrai pas, durant deux bonnes semaines, tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds.
Mon directeur de recherche, seul, est demeuré sur le pont. Depuis la Transylvanie il m'écrit que mes vingt pages d'introduction à ma synthèse sont "inappropriées". Consternation, remise en cause, recherche frénétique sur Google pour savoir ce qu'est le paradigme de Kuhn et l'hypothèse Sapir-Whorf, jusqu'à ce que je me rappelle avoir, quelque part dans ma bibliothèque, le dictionnaire de l'ethnologie.
Du pain sur la planche, donc : tout refaire, tout repenser - cent fois dans l'hémisphère droit reconnectez vos neurones. Du coup, ce blog va certainement souffrir (le lecteur probablement moins) d'un défaut de complétude. Voilà les différentes notes que je n'écrirai pas pour l'instant :
- la fin de la mission Rondônia, où Mirlem s'avère beaucoup trop jeune pour moi ;
- le mariage d'Adeline, le seul où ne fut pas cité "blblabla quand je n'ai pas l'amour je ne suis rien"
- des considérations immortelles sur les souris et les hommes à propos de la molécule qui dispense d'activité physique.
J'essaye de comprendre mon imperméabilité à la théorie ; hier soir j'apprends que la collection "Chemins de l'ethnologie" de la MSH refuse mon bouquin car "littéraire et historique plutôt qu'ethnologique". Suis-je totalement incompétent ou incompris ? Je pose le problème de la dévastation d'une forêt protégée et j'essaye de comprendre le pourquoi - ce n'est certes pas ethnographique, mais c'est certainement anthropologique.
Je n'ai pas encore une grande expérience des revues à comité de lecture, mais si j'en crois les commentaires qui accompagnent les retours - "il est dommage que l'auteur n'ait pas fondé cette étude sur ses propres terrains" - à propos des Pataxo que j'ai étudiés pendant cinq ans ; ou encore "l'auteur devrait faire relire son article par un lecteur francophone" - on peut se demander : finalement, que retient-on d'un article ou d'un livre ? Moi-même qu'est-ce que je retiens de la masse que j'ai lue ? Comment se transmet le savoir scientifique, en sciences humaines, si le taux de perte d'information est si énorme ?
Bon, il est temps de s'y remettre.
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