Je le craignais : c'est arrivé.
Huit jours de travail trop intense (soixante pages de synthèse plus le compte-rendu sur Patterson transformé en article) et boum : effondrement, explosion, je ne sais. Mais je le sens venir : lorsque je commence à imaginer que le marché aux oiseaux est une prison et qu'on a enfermé les perroquets pour une bonne raison (parce qu'ils se sont mal conduits dans la nature), je vois alors sous chaque nom d'oiseau exposé la teneur de son crime et la peine qu'il doit purger, avec ou sans sursis, avec ou sans caution. Et je ne peux plus m'arrêter d'y songer.
Puis je sombre dans un sommeil que je crois réparateur mais encore entrecoupé de bribes de raisonnement (si on peut appeler raisonnement l'hypothèse d'un canari libéré pour bonne conduite).
Enfin vient un jour comme aujourd'hui où je ne comprends plus rien à rien, où les livres me tombent des mains, etc.
Est-ce normal ou un défaut de carburation ? Cosa fare ? Petit réglage ? Lobotomie ? Greffe de lobes temporaux ? Dans quel genre de pays pratique-t-on ces transplantations (il y avait un article sur le sujet dans le Monde, mais on y traitait essentiellement de reins et de cornées) ? Bien sûr, la Chine produit chaque jour quelque cerveau fumant encore de la boîte crânienne dont on l'a extrait. Mais vu le mode d'exécution (balle dans la nuque) on peut craindre que l'organe soit endommagé. La Suède, alors, pays du Nobel ? Ou bien en Irlande, pour trouver un donneur génétiquement proche de Samuel Beckett.
Ecoutant de vieilles valses et tangos tandis que la pluie tombe, je m'interroge : si mon cerveau est une machine si délicate, comment se fait-il que mes idées soient si grossières ?
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