La journée avait mal commencé, à cause d'un rêve que j'ai fait : la fête pour mes quarante devenait une fête d'HDR non encore soutenue, où paraissaient des inconnus qui coupaient la musique, mes invités partant après quelques minutes, et un ivrogne brisant des bouteilles dans le salon.
Dans le train, coup de fil du médecin qui me prive de fromage : "abstenez-vous de fromage, c'est important, et mollo sur la pizza" - elle faisait allusion à mon taux de cholestérol grimpé de 450%
En cours, enfin, trônant magistralement par-dessus mon estrade, j'ai décidé de tester les étudiants de première année, les incitant à intervenir, me poser des questions, leur expliquant que la peur des railleries était le signe de la bêtise de ceux qui croient que le fayotage est de mise à l'Université. "De ceux qui vous entourent, combien fréquenterez-vous dans deux ans ? Personne ou presque. Mais votre diplôme, vous l'aurez pour la vie entière, mesurez donc bien le coût d'une absence de question portant sur des éléments que vous n'avez pas compris".
Une fois ceci obtenu, les laissant s'exprimer, les reprenant sur chaque inexactitude, leur expliquant qu'on ne commence pas une phrase en disant "Bon, déjà, j'veux dire", que les Hollandais n'étaient pas "jaloux" des Portugais, mais pris dans un différend commercial, leur montrant comment on restitue un cheminement historique à partir du raisonnement, expliquant que l'histoire du Brésil, et en l'espèce, celle de la canne à sucre, ne pouvait être considérée indépendamment du statut de colonie, du régime esclavagiste, de la concurrence hollandaise des Antilles, du blocus continental, etc, remontant jusqu'à nos jours et à la fabrication de l'éthanol, repoussant le soja en Amazonie.
J'ai appelé à la fin du cours tous les étudiants que j'avais vu rêvasser, ne prenant pas de note, je les ai averti que l'examen se présentait très mal pour eux, et que je n'avais pas besoin de savoir leur nom pour comprendre qu'ils étaient mal engagés. Bref, un cours parsemé d'indications pédagogiques dont je ne sais quel profit ils tireront mais qui pour moi équivaut à un premier avertissement.
J'ai décidé, en somme, de rappeler aux étudiants qu'ils étaient les premiers concernés par la lutte contre l'échec, terrorisant certains, encourageant d'autres. Nous verrons, nous verrons.
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