Fantômette ayant éclaircit ma journée de samedi, je lui dois quelques éclaircissements concernant mes notes de dimanche.
Le lecteur a dû remarquer que j'avais publié l'intro initiale et les intros successives de mes cinq chapitres d'HDR. Fantômette a buté sur l'intro au IIIe chapitre qui a une tonalité beaucoup plus engagée, voire pamphlétaire.
Même si je puis justifier ma position dans certains cas, le simple fait d'être lu et critiqué est un apport immense. Lorsqu'on achève un gros travail de réflexion, on est partagé entre le doute et une sorte d'orgueil béat, comme devant un bébé qui vient de naître. Il faut un peu de temps, quelques mois, pour que l'autocritique se mette en place et que l'on puisse songer à des améliorations.
Mais il faut qu'une chose soit claire. Ma position "écocentrée" est une orientation personnelle, mais tout chercheur a une position. Un physicien peut choisir de travailler dans le nucléaire ou dans la réflexion sur le cycle du carbone, il aura fait un choix que l'on pourra qualifier d'idéologique. Les chercheurs sont aussi des citoyens. De la même manière, à partir d'une même science, le Droit, un avocat pourra choisir de travailler dans le droit des entreprises, le droit des salariés, les affaires criminelles, les affaires familiales, etc. On oriente forcément sa carrière en fonction de convictions préalables.
Toutefois, les métiers de la recherche ont également évolué. Nous sommes de plus en plus sollicités afin de produire des savoirs applicables dans le cadre de politiques publiques - c'est pourquoi je ris parfois en lisant les commentaires de lecteurs du Monde qui traitent les chercheurs de "Professeurs Nimbus", comme si nous étions déconnectés de la réalité.
Par exemple, les orientations de l'ANR 6e extinction sont formulées ainsi par le Ministère de la Recherche :« promouvoir l’ingénierie écologique et sociale adaptée et développer les outils incitatifs permettant aux sociétés humaines d’intégrer les objectifs de la préservation de la biodiversité dans leur développement »
L'Agence nationale de la recherche est une agence de moyen pilotée par le gouvernement. Les pouvoirs publics ont donc tranché : la préservation de la biodiversité sera désormais inscrite dans dans les orientations futures, et il faut définir des modalités d'application. Il va de soi qu'un tel appel d'offres entre dans le cadre de mes recherches ET de mes convictions - d'où la forme qu'a revêtu l'intro au chap.3. Pour y participer, je vais mobiliser l'expérience acquise sur mes terrains amazoniens où je me suis focalisé sur les rapports des habitants avec leur milieu, et l'appliquer en terrain métropolitain français. Je sais d'expérience que les mesures top-down ne marchent pas (cf l'ours dans le Béarn) donc je dois songer à un moyen d'investir les communautés locales dans une réflexion au sujet de leur propre capacité à coexister avec la flore et faune sauvage, en restreignant les zones chassées, etc...
D'un point de vue théorique, je vais m'efforcer (c'est le projet des chapitre 4 et 5) de comprendre les mécanismes cosmologiques qui nous font percevoir l'animal comme "le mal" (animaux "nuisibles", "mauvaises" herbes, "satanées bestioles", le "mal qui frappe nos celliers" dans le Chasseur Français déjà cité - "les animaux sont méchants", "il faut se méfier de la malignité des bêtes", "l'animal te jette le mauvais oeil et tu meurs" dans la bouche d'Indiens et de paysans amazoniens). Une fois mise en évidence la trame de représentations qui touche à la "malignité" de la nature, nous pouvons commencer à défaire cette trame, comme ce fut le cas entre 1950 et 54 à l'UNESCO où une série de conférences enterrèrent le racisme scientifique, lequel cessa dès lors de justifier la politique coloniale, qui s'effondra dans la foulée.
Voilà donc les différentes dimensions dans lesquelles nous évoluons. La prochaine note portera sur la partie "enseignement", j'essaierai de mettre en évidence la manière dont un étudiant s'approprie un cours et peut entrer ou non dans la réflexion. Par ailleurs, je vais apporter des corrections à ces intros et je laisserai apparaître de quelle nature elles sont.
Pour être honnête, sans doute faudrait-il ainsi préciser que j'ai éclairci votre samedi, juste avant de vous pourrir votre dimanche. :-)
Rédigé par : Fantômette | lundi 15 déc 2008 à 19:52
Mon lundi, aussi :-)
Rédigé par : anthropopotame | lundi 15 déc 2008 à 20:03
Bon eh bien j'ai tout lu, et bien entendu, mes moyens intellectuels ne me permettent pas d'apporter la moindre critique (à par qu'il n'y a pas de "t" a "éclaircit" ;) )
Rédigé par : IV | lundi 15 déc 2008 à 20:13