Aujourd'hui je fais face à un dilemme :
Les candidatures pour le CNRS expirent ce soir à minuit. Dans le même temps, mon frigo est vide. Dois-je boucler mes titres &travaux et mon projet de recherche ou aller faire des courses au Monoprix pour m'empiffrer de chocolat? Doit-on toujours privilégier le long terme (une carrière au CNRS) sur le court terme (manger une tablette de crunchy crunch) ?
Une remarque à propos de Sean Penn et son film Into the wild, vu avant-hier soir - histoire d'un jeune diplômé qui décide de partir, brûle ses derniers dollars, abandonne sa voiture et s'en va hiverner en Alaska, où il finit par mourir d'inanition. Deux remarques plutôt.
La première, c'est qu'on est moins surpris, à voir ce film, de constater que les Indiens que j'ai connus pensaient essentiellement et sans arrêt à la nourriture - y aura-t-il de quoi manger? A quelle heure mangerons-nous? Prenons quelques poissons de plus. Ils nous ont laissé sans manger. Etc. Dans un milieu où l'accès à la nourriture exige un effort physique, le moindre affaiblissement entraîne l'inanition progressive par impossibilité de s'en procurer. C'est d'ailleurs pourquoi les épidémies de variole ou de grippe ont eu un tel impact sur les populations indigènes: tout le groupe étant affaibli, il n'était plus possible de parcourir les quelques kilomètres menant aux abattis, ni d'aller chercher de l'eau, ni de chasser, etc.
La deuxième remarque, c'est que mon frère aîné et moi aurions pu opter, très jeunes, pour une vie dans les bois, comme Thoreau. Eh oui, nous avions 6 et 8 ans, et depuis plusieurs heures nous chantions à tue-tête "à la pêche aux moules-moules-moules" dans la voiture (et mon frère chantait horriblement faux). Ma grand-mère et ma tante, excédées, nous demandèrent si nous voulions qu'elles nous abandonnent dans la forêt que nous traversions. "Bien sûr!" répondîmes-nous. Car nous pensions pouvoir survivre dans les arbres, mangeant des glands et des châtaignes, fabriquant des cabanes, chassant à l'arc et à la flèche. Nous en parlâmes entre nous dans la voiture, et notre enthousiasme ne faisait que croître. "Arrêtez la voiture ! On veut descendre, on va vivre dans la forêt".
"Mais que ferez-vous tout seuls, en hiver, sans votre Mamie?" L'idée était attristante, mais l'appel de la nature sauvage était encore le plus fort, jusqu'à ce que mon frère se mette à pleurer. Il ne voulait plus fabriquer de cabane et de piège. Ma tante me demanda si je voulais vraiment descendre, et rester seul. Abandonné par mon frère, je me mis à pleurer aussi. Adieu la forêt, adieu les bois. Et voilà pourquoi j'ai grandi parmi les hommes.
Si tu as des pates ou du riz dans un placard... oublie Monoprix et boucle ton dossier. Si tu dois mourir de faim, fais tes courses ;-)
Bon courage en tout cas!!
Rédigé par : Narayan | mardi 06 jan 2009 à 11:24
Dommage, un anthropopotame perché, comme le baron du même genre dont je viens de lire les aventures arboricoles, ça aurait eu de la gueule !
Rédigé par : Karkaf | mardi 06 jan 2009 à 11:27
@Karkaf : Le Baron Perché fut toujours une de mes lectures favorites ! Ca et le Livre de la Jungle, bien sûr.
Rédigé par : Anthropopotame | mardi 06 jan 2009 à 11:54
Monop vise les célib urbains et bio et donc tu peux faire les courses jusqu'à minuit. Paris est une capitale qui offre l'accés à la Poste du Louvre jusqu'à minuit. Et moi, je suis ta voisine grippée (donc arrétée par un médecin bien compréhensif) qui peut passer t'apporter des chocolats en urgence et une orchidée en attente de soins intensifs (encore une !) et t'encourager à candidater pour le CNRS.
Ne pas renoncer comme ça avec l'an neuf !
Rédigé par : evelyne | mardi 06 jan 2009 à 12:52
MMMhh je ne serais pas contre que tu m'apportes du chocolat (lait-noisette, please) mais ta visite doit être dûment signalée à l'inspection du travail!
Rédigé par : anthropopotame | mardi 06 jan 2009 à 13:04
boucle ton dossier comme ça on aura une chance de boire un coup en terrasse à paris ce printemps
Rédigé par : Mouton | mardi 06 jan 2009 à 17:50
Mouton très bon commentaire, et je veux bien en être!!!
Cela dit, je suis impressionnée par l'esprit retors du maitre de ces lieux, qui trouve le moyen de se faire livrer du chocolat à domicile pour soi-disant se consacrer à un dossier de dernière minute ... alors qu'on sait bien qu'il lisait les blogs des copains ;-)
Rédigé par : Narayan | mardi 06 jan 2009 à 19:01
Rhaaa ce que nous avons pu rêver enfant à une vie sauvage! (bien aidés par la lecture de Jack London et autre Robinson Crusoë...) On rêve tous de redevenir sauvage. ce qui m'a attristé dans Into the Wild c'est de voir le décallage entre ce jeune épris de liberté et d'espace et ses capacités réelles à subsister dans ce milieu.
Honnetement la vie sauvage c'est bien, mais une tablette de crunchy crunch... c'est peut-être mieux! La vie moderne et urbaine a aussi ses avantages et nous ne sommes pas tous fait pour être des nomades chasseurs-cueilleurs :-)
Rédigé par : Elo | mardi 06 jan 2009 à 22:32
Tu es un peu injuste avec Alexander Supertramp! Il ne se débrouille pas trop mal, et l'Alaska n'est pas le milieu le plus hospitalier... C'est quand il mange les pommes de terre sauvages que les choses se gâtent.
Si j'étais chasseur-cueilleur... mmmh... Je me rappelle maintenant que chez les Indiens j'étais parfois pris jusqu'à l'obsession par le désir de manger du chocolat, ou une pizza. Quelle dérision de mes aspirations :-(
Rédigé par : anthropopotame | mardi 06 jan 2009 à 23:46